Économie

Gestion et utilisation des ressources : un enjeu majeur

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Pour satisfaire la demande en biens et services des agents économiques d’un pays, il est nécessaire d’extraire des ressources naturelles de son territoire et d’importer/exporter des matières premières et des biens manufacturés. L’évolution de ces flux de matières illustre quantitativement les pressions exercées sur les ressources naturelles, induites par les modes de vie et de production modernes. Depuis 1970, l’extraction mondiale des ressources a plus que triplé, passant de 27 à 92 milliards de tonnes en 2017. Sa progression inéluctable à l’avenir, 190 Milliards de tonnes en 2060 selon les estimations des experts, représente un enjeu majeur au niveau planétaire.

Contexte

Les activités économiques d’un pays associées à la production de biens et d’équipements, au logement, à l’alimentation, aux déplacements, à l’information, etc. consomment des ressources naturelles (eau, matières végétales et minérales). Une partie de ces ressources est potentiellement renouvelable, comme les cultures agricoles pour l’alimentation humaine et animale, l’eau pour l’irrigation, ou la forêt qui produit le bois pour la construction, la fabrication du papier/carton et du mobilier ou pour le chauffage, etc. Néanmoins la majorité de ces ressources n’est pas renouvelable : granulats utilisés pour la construction et les routes, carburants pour les véhicules thermiques, fuel et gaz pour la production de chaleur, plastiques, acier, aluminium, etc.

La manipulation des ressources induit des impacts sur l’environnement tout au long du cycle de vie des produits, de la fabrication desquels elles participent (extraction et transformation des matières premières) jusqu’au traitement des produits une fois mis au rebut, y compris les transports induits à chacune de ces étapes. Les impacts sont variés : érosion des sols, atteinte à la biodiversité, dégradation des paysages, consommation de minerais, d’énergie, d’eau et d’autres ressources, émissions de polluants dans les milieux et de déchets souvent non valorisables et dont la gestion (stockage, traitement, élimination, valorisation) implique à son tour ses propres impacts. Dans le cas d’importations, ces impacts s’exercent alors d’abord à l’étranger, en particulier dans les pays d’origine d’extraction et de production.

La consommation de ressources constitue une première approximation des autres pressions et impacts sur l’environnement. Sa maîtrise, ainsi qu’une gestion plus durable des ressources naturelles, peuvent être de nature à atténuer ces impacts : amélioration de la productivité des ressources utilisées (combien d’euros sont générés par unité de masse d’une ressource), diminution de la toxicité et de l’écotoxicité des substances et matières consommées, produites et rejetées par l’économie, prévention de la production de déchets. Une autre voie d’amélioration consiste également à considérer le déchet comme une nouvelle ressource possible en entrée d’économie, afin de rendre les processus de production davantage « circulaires » (en opposition à linéaires).

Certaines des ressources consommées proviennent du territoire national (extraction intérieure) : eau, cultures, bois, granulats, matières minérales. D’autres sont au contraire importées (minerai d’uranium pour la production d’électricité, pétrole, gaz, métaux et produits dérivés, etc.), souvent sous une forme déjà élaborée, depuis les produits de première transformation jusqu’aux produits finis. Par ailleurs, une partie des ressources extraites du territoire national et/ou transformées sur ce territoire est exportée.

Ainsi, dans le cadre de la comptabilité des flux de matières (encadrée par un Règlement européen et via l’office statistique de l’UE, EUROSTAT) sont mis en exergue notamment la consommation apparente de matières (agrégat constitué de l’extraction domestique, augmentée des importations et réduite des exportations), la productivité matières (indicateur rapportant le PIB à la consommation apparente de matières) ainsi que l’Empreinte matières, nouvel indicateur reflétant mieux l’impact réel de l’utilisation des ressources, car intégrant les flux indirects générés hors de nos frontières pour fabriquer et transporter les produits importés.

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Analyse

Selon le Groupe international d’experts sur les ressources (GIER, ou IRP pour International Resource Panel), l’extraction mondiale de matières premières est passée de six milliards de tonnes (Mds de t) en 1900 à 27 Mds en 1970, pour atteindre environ 84 Mds de t aujourd’hui. Si elle poursuit sa tendance récente, le prélèvement pourrait atteindre près de 220 Mds de t en 2050 (Krausmann Fridolin et al., 2018), soit plus de deux fois la masse actuelle. Cette augmentation résultera non seulement de la croissance démographique - depuis 1970 la population a doublé – (et le PIB quadruplé) mais surtout de l’augmentation de la consommation de matières par habitant.

La forte augmentation de l’extraction de minéraux non métalliques (principalement les matériaux de construction tels que sables et graviers) résulte de la construction d’infrastructures (bâtiments, transports), d’abord dans les pays en Europe et en Amérique du Nord au cours des années 1970 et 1980, puis intensifiée par les pays d’Asie et du Pacifique à partir des années 1990 (UNEP, 2016). Ainsi, en parts relatives du total, l’extraction de minéraux non-métalliques s’est accrue de moitié depuis 1990, représentant actuellement près de 50 % du niveau mondial, et au rythme actuel ces minéraux devraient constituer près de 60 % de l’extraction totale en 2060. L’extraction de biomasse (agriculture, sylviculture, pêche) a proportionnellement diminué : de 37 % en 1990 elle ne représente qu’un quart du total, traduisant une baisse de la part des ressources renouvelables dans la production et l’utilisation de matières à l’échelle mondiale. Les combustibles fossiles totalisent 17 % du total (22 % en 1990) quand les minerais métalliques se maintiennent aux environ de 10 % de l’extraction planétaire.
Au niveau mondial, dix pays concentrent les deux tiers (68 %) de l’extraction totale.
En France, l’extraction domestique a globalement peu varié de 1990 (709 millions de tonnes, soit 12,2 t/hab.) jusqu’à la récession de 2008. Elle a depuis diminué et s’est stabilisée, s’élevant en 2018 à 636 millions de tonnes (9,5 t/hab.) dont près de 60 % de matériaux non-métalliques et 40 % de biomasse. L’extraction moyenne de l’UE28 est de 11,3 t/hab en 2018.

Les 34 pays de l’OCDE ont extrait à eux seuls plus d’un quart des ressources naturelles en 2018 : en 1990 leur part atteignait encore 40 %. Les taux d’extraction de ressources par habitant sont élevés dans la zone de l’OCDE (16 tonnes par habitant), notamment dans les pays d’Amérique du Nord (avec le Canada, 37 t/hab., les États-Unis, 18 t/hab.) et de la région Asie-Pacifique (dont l’Australie, 93 t/hab., quand la Chine atteint 23 t/hab, un niveau presque triple de celui de 2000). Ils devraient encore progresser, principalement du fait de demandes croissantes en charbon, métaux et minéraux de construction des pays émergents.

Si les pays industrialisés tendent à présenter un certain découplage entre croissance et mobilisation de matières, c’est en partie le résultat d’un transfert des activités extractives et industrielles vers les pays en développement. Ces derniers, peu atteints par la crise en 2008, poursuivent leur croissance et leur rattrapage du niveau de vie des pays occidentaux au travers de leurs consommations et leurs investissements : par ces transformations industrielles et urbaines (alimentées par leur démographie) ils étendent toujours davantage leur empreinte matières. Selon l’International Resource Panel (UNEP-IRP), si les tendances actuelles se poursuivaient, l’empreinte matières mondiale atteindrait en 2050 près de 20 tonnes par habitant, soit le double du niveau actuel.

Selon les prévisions de l’OCDE (Re-Circle project 2018) et le scenario Historical Trend, sans modifications des conditions actuelles, d’ici 2060 l’extraction de matières ferait un peu plus que doubler, poussée par la croissance de l’économie mondiale et de la population. Les minerais non métalliques utilisés pour la construction afficheraient le taux de croissance annuel le plus soutenu (2,2 %), stimulé par les besoins supplémentaires mondiaux en immeubles et infrastructures. Ces matières représenteraient près de 60 % de l’extraction totale, la biomasse en totalisant 23 %. La part des minerais métalliques et celle des combustibles fossiles serait de 9 % chacune.

D’autres scenarii de politique d’efficacité des ressources privilégient une meilleure soutenabilité de la production et de la consommation : le scénario Towards Sustainability, présente une pente moins forte d’environ un quart pour les différentes évolutions, notamment concernant l’extraction mondiale qui atteindrait 143 milliards de tonnes en 2060, au lieu de 190 Mdt.

Au niveau national, concrètement, la maîtrise de la consommation de ressources ainsi qu’une gestion plus durable des ressources naturelles constituent un enjeu majeur afin d’atténuer les impacts générés par notre mode de vie : amélioration de la productivité des ressources utilisées (combien d’euros sont générés par unité de masse d’une ressource), diminution de la toxicité et de l’écotoxicité des substances et matières consommées, produites et rejetées par l’économie, prévention de la production de déchets, etc.

Le passage d’une économie linéaire fondée sur la séquence « extraire, produire, consommer, jeter » vers une Économie circulaire pourra permettre d’optimiser l’usage des ressources naturelles (cf. « 10 indicateurs clés pour le suivi de l’économie circulaire »).

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