Témoignage d’un acteur de la Vasière des Badamiers

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Situé à Mayotte, la vasière des Badamiers (119 ha) avec ses 9 activités dénombrées sur le site semble s’être stabilisée ces dix dernières années. Pour autant, cette dynamique est liée essentiellement à la progression naturelle de la mangrove qui contrebalance les nombreuses pressions rencontrées (dépôt de déchets, fréquentation importante du public, prélèvement de ressources naturelles ou encore occupation illégale). La mise en place d’actions de sensibilisation des acteurs du territoire, de suivi d’espèces et de surveillance par le Conseil départemental pourrait permettre de ralentir une dégradation sous-jacente déjà bien amorcée sur ce site Ramsar. M. MDALLAH Bacar, Responsable du Bureau gestion des sites du Conservatoire du littoral, vient illustrer cette situation par son expérience de plus de 10 ans.

Quelles sont la (les) problématique(s) rencontrée(s) sur le site ? Selon les retours faits par les 4 référents ayant répondu au questionnaire pour ce site, l’état des milieux du site semble s’être stabilisé ces dix dernières années. Quels sont les effets visibles que vous avez pu constater. Quels impacts majeurs en ont découlé ? Quels milieux sont particulièrement touchés par cette stabilité ?

Les problématiques rencontrées sont notamment :

  • le dépôt de déchets (dépôts sauvages, ou déchets déversés par les canalisations d’évacuation d’eau, très marquant en saison de pluie) ;
  • la fréquentation du public (site en périphérie des villages de Labattoir et Dzaoudzi) : les usagers s’introduisent facilement sur le site au travers des différents accès, ce qui provoque un dérangement de la biodiversité en particulier les oiseaux ;
  • les prélèvements de ressources naturelles (végétales (coupe des palétuviers), pêche de crabe de mangrove, de poisson, des mollusques…) ;
  • l’occupation illégale : les mornes de la Vasière des Badamiers sont occupées par de l’élevage et de la culture illégaux En 2020, les défrichements se sont fortement intensifiés sur les deux mornes, avec la mise à nu du haut des collines.

Le sentiment de stabilité provient surtout de la dynamique naturelle de la mangrove qui contrebalance les phénomènes liés à la dégradation énoncés ci-dessus. Malgré les pressions d’origine anthropique, la mangrove continue de s’étendre car elle rencontre un milieu qui lui est favorable. Située sur la zone de balancement de marée, l’apport d’eau douce et le dépôt de sédiments sont appréciés du palétuvier d’arrière mangrove (Avicennia marina). Cela est visible sur les photos aériennes ou directement sur le site car certaines parcelles qui étaient à nue il y a quelques années sont désormais occupées par cette espèce. L’un des principaux bénéfices de cette extension est la fermeture de certains espaces. La mangrove jouant un rôle de filtre, on observe néanmoins de plus en plus de déchets et de vase piégés dans ces secteurs.

Avez-vous le sentiment d’avoir connu une dégradation des milieux plus intense ces dix dernières années (2010-2020) par rapport à la précédente période (2000-2010) ?

Je n’ai qu’un recul de 3 ans avant 2010, mais j’ai plutôt une impression de dégradation plus forte avec l’accumulation des déchets sur l’embouchure d’un ruisseau et sur l’ensemble du site, l’érosion de la côte, la montée des eaux. Aujourd’hui, l’eau marine atteint la route (Boulevard du crabe) qui longe le site à l’Est lors des forts coefficients des marées. Fin 2020, les défrichements se sont intensifiés sur les deux mornes de la Vasière des Badamiers. Tous ces éléments ne présagent pas un avenir meilleur pour le site.

9 activités humaines s’exercent sur le site selon les référents. Qu’est-ce qui, selon vous, est la cause principale de cette dégradation ?

La principale cause est la pression démographique à laquelle est confronté le territoire.

Quelles sont les actions de préservation ou de restauration qui ont été mises en œuvre sur ce territoire dont les effets ont été bénéfiques sur le milieu et celles dont les effets ont été plus limités ? Au bout de combien de temps avez-vous pu observer les premiers effets ?

La priorité sur le site est de réduire l’impact des activités humaines en sensibilisant les usagers, les groupes scolaires, et en mobilisant les différentes structures compétentes à agir pour diminuer le dépôt des déchets. En complément de ces actions, le Conseil départemental de Mayotte mène des actions de surveillance pour dissuader les activités illégales sur le terrain.

Classé site Ramsar en 2011, la Vasière des Badamiers est l’un des seuls sites à Mayotte qui héberge une diversité d’oiseaux migrateurs. Depuis 2007, le Conseil départemental assure un suivi des oiseaux, et à partir de 2013, il le fait en partenariat avec l’association GEPOMAY et l’OFB (Parc Naturel Marin de Mayotte). Le site est fréquenté par plus d’une trentaine d’espèces d’oiseaux côtiers, dont les sternidés, les limicoles et des ardéidés. En période de migration, la Vasière des Badamiers peut accueillir plus de 3 000 sternes voyageuses, une vingtaine d’espèces de limicoles, 5 espèces de héron dont le Héron de Humblot, espèce classée en danger au niveau mondial par l’UICN (Union internationale pour la Conservation de la Nature).

Réalisez-vous des suivis post-travaux pour évaluer l’efficacité d’une mesure ? Si oui, quels sont-ils ?

Il n’y a pas encore eu de suivis post-travaux sur le site. Cependant, un comité de gestion se réunit en fin d’année pour faire l’état des actions conduites sur le site pour pouvoir ainsi faire des projections sur l’année suivante. En 2020, avec 2 agents d’entretien sur le site, le Conseil départemental a réalisé 8 journées de suivi des oiseaux avec 1 506 individus relevés, 20 journées de sensibilisation des usagers du site dont 367 personnes comptabilisées, 12 journées de ramassage de déchets avec 143 sacs poubelles de 100L, et une journée de mission de police qui a permis d’identifier 2 occupants et 3 personnes mises en fuite.

Comment voyez-vous l’avenir du site dans les dix prochaines années ?

Étant un site affecté au Conservatoire du littoral, en théorie, il jouit d’un statut de protection fort. Cependant, l’île de la Petite-terre est un territoire de faible superficie. Avec le manque d’espace, les différents projets ont tendance à grignoter plutôt le littoral. Le site de la Vasière des Badamiers subit diverses pressions avec au sud et à l’est l’activité urbaine (divers locaux, route), au nord des habitations et une zone industrielle (terrain militaire et zone de stockage de carburant), à l’ouest côté mer, l’embarcadère et une zone de mouillage pour les bateaux de plaisance ou tankers.

Sans une prise de conscience rapide et une mobilisation de l’ensemble des acteurs, il y a un fort risque d’assister à la dégradation du site face à l’activité agricole, au déversement des déchets et des eaux usées.

Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait être mis en œuvre ou renforcé dans les dix prochaines années pour inverser cette tendance ?

Les porteurs de projet, devant le rythme de développement de l’île, semblent moins soucieux des mesures tels que « éviter, réduire, compenser ». D’autres phénomènes renforcent cette atteinte à l’environnement en particulier sur les espaces naturels telles que les zones humides : pression démographique, absence d’assainissement sur la majeure partie de l’île, problématiques liées à la collecte des déchets impactant également le lagon.

Le Conseil département a 3 agents assermentés police de l’environnement (garde du littoral) qui interviennent sur quatre sites. Cette mission représente 5 à 10% de leur temps car ils sont affectés également à la gestion des sites (réalisation de l’entretien du site, l’aménagement, d’opération de restauration écologique, lutte contre les EEE, plantation, accueil du public).

Les sites du Conservatoire du littoral, comme la Vasière des Badamiers, se dégradent rapidement car les occupations illégales, les défrichements et les brûlis s’intensifient chaque année. Le développement des actions de sensibilisation et de pédagogie aux enjeux de préservation de l’environnement couplées à un renforcement des actions de surveillance et de police de l’environnement sont de nature à permettre de faire face à cette dynamique de dégradation.

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