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Pesticides

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Avec 55 000 tonnes de substances actives vendues sur le territoire national en 2019, le recours aux pesticides reste une caractéristique du modèle agricole français, comme ailleurs en Europe. Au cours des dernières décennies, la pharmacopée autorisée a considérablement évolué, sous l’influence d’une réglementation accordant une attention croissante aux questions sanitaires. Plusieurs pesticides jugés trop dangereux ont ainsi été interdits.

Alors qu’aujourd’hui environ 500 substances actives autorisées sont commercialisées en France dans un ou plusieurs des 3 000 produits phytopharmaceutiques recensés dans la Banque nationale des ventes de distributeurs (BNV-d), la question de leur impact sur la santé est au cœur des dispositifs de surveillance, notamment pour les travailleurs directement exposés. Disséminés dans l’environnement lors de leur application, les pesticides contaminent les différents milieux et la chaîne alimentaire, nécessitant un suivi de ces sources de contamination et de l’exposition des populations.

Les pesticides : un usage banal de substances à risque

Le terme « pesticide » désigne l’ensemble des produits, chimiques, naturels ou de synthèse, destinés à éliminer ou repousser les organismes jugés nuisibles pouvant causer des dommages lors de la production, du stockage ou de la commercialisation de produits agricoles, de denrées alimentaires, de bois. Ils sont également utilisés comme biocides ou antiparasitaires.

Les usages phytopharmaceutiques concernent principalement le secteur agricole (environ 90 % des volumes utilisés), et dans une moindre mesure l’entretien des réseaux et d’infrastructures de transports. Les biocides sont utilisés dans les domaines industriel (traitement du bois, etc.), de la santé (lutte anti-moustiques, antiparasitaires, etc.) et domestique (antipuces ou tiques, etc.).

L’emploi de pesticides n’est pas nouveau, mais l’essor de la chimie au début du XXe siècle a démultiplié l’offre. Combinés aux besoins croissants de produits alimentaires au sortir de la seconde Guerre mondiale, les pesticides sont progressivement devenus un pilier de l’agriculture moderne intensive. Depuis, leur recours s’est banalisé, des grandes cultures aux jardins et potagers. Avec plus de 70 000 tonnes vendues en 2017, la France est, en volume, le deuxième consommateur de produits phytopharmaceutiques en Europe, derrière l’Espagne, et le huitième rapporté à la surface agricole utilisée.

Les pesticides peuvent avoir des effets délétères sur la santé humaine. Ainsi 20 % des tonnages vendus en 2017 relèvent de substances classées comme toxiques, mutagènes et reprotoxiques. Si leur potentiel toxique individuel est relativement bien connu, ce n’est pas le cas de l’effet de mélange, ou du caractère de perturbateur endocrinien de certains, qui vient remettre en cause le lien dose-effet de la toxicologie classique.

Forts de ces enjeux, les pouvoirs publics et la profession agricole s’accordent pour réduire l’usage des pesticides, à l’aide notamment des plans Écophyto mis en place depuis 2008. L’absence de résultats tangibles de ces plans met en lumière la difficulté du secteur agricole pour rompre cette dépendance, tant elle est associée à la sécurisation des rendements et aux pratiques en place depuis de nombreuses années.

Milieux naturels : eaux et sols contaminés, un manque de connaissance pour l’air

Les pesticides se diffusent dans l’environnement selon différents mécanismes : adsorption, volatilisation, lessivage, infiltration.

De 2014 à 2016, les 23 millions d’analyses d’échantillons réalisés dans les cours d’eau ou les lacs de France métropolitaine ont révélé la présence quasi-systématique de pesticides, en particulier d’herbicides et de leurs produits de dégradation.

Les dix premières substances dépassant le seuil réglementaire (arrêté du 11/01/07 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine) de 0,1 microgramme par litre (µg/l) comprennent, de surcroît, principalement des herbicides. Cette contamination des cours d’eau présente de fortes disparités territoriales : l’indice de présence de pesticides a globalement augmenté (+ 2 points) en métropole, et baissé (- 4 points) en outre-mer. De même, selon le bassin hydrographique, 18 à 49 % des échantillons ont dépassé au moins une limite d’écotoxicité et 29 à 66 % des points de mesure ont excédé ces limites au moins deux années sur trois. Par ailleurs, les variations saisonnières des régimes hydriques et des périodes d’utilisation des pesticides induisent des valeurs plus fortes en été qu’en hiver.

Très solubles, hydrophiles et persistants pour certains, les pesticides migrent vers les eaux souterraines. En raison du faible taux de renouvellement de ces eaux et de l’absence de mécanisme de dégradation de ces substances, la pollution par les pesticides peut y persister durant des décennies.

Concentrations totales en pesticides dans les eaux souterraines entre 2015 à 2017
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Source : BRGM, banque ADES et BDLisa

Traitement : SDES, 2019

De 2015 à 2017, des pesticides ont été trouvés au moins une fois dans 80 % des 2 300 points de mesure du réseau de surveillance des eaux souterraines. Dans près d’un cas sur deux, la concentration d’au moins un échantillon dépasse le seuil réglementaire de 0,1 µg/l. Sur les 737 substances recherchées, 54 % sont trouvées, dont la moitié sont des substances interdites d’usage en France au moment de la mesure.

L’usage prolongé de pesticides peut également engendrer des pollutions diffuses des sols. Ainsi, après cinquante ans d’utilisation et malgré son interdiction en usage agricole depuis 1998 en France, des résidus de lindane, substance toxique pour l’homme et dangereuse pour l’environnement, subsistent dans les sols métropolitains (0,16 à 5 µg/kg de sol). Sa faible mobilité, renforcée par une période de dégradation pouvant excéder quarante ans selon la nature du sol, du climat et de la profondeur d’enfouissement, explique les fortes valeurs de sa teneur mesurée dans les sols de certaines zones d’agriculture intensive : insecticide en culture (Beauce, Nord - Pas-de-Calais), antiparasitaire en élevage avicole ou porcin (Bretagne).

Il n’existe pas encore à ce jour de dispositif national de surveillance pérenne des pesticides dans l’air extérieur. Cependant, une première campagne nationale exploratoire de surveillance de 90 substances prioritaires dans l’air a été engagée en 2018 par l’ANSES. Viendront en complément des campagnes de mesures ponctuelles pour les populations vivant à proximité des sources d’émissions de pesticides, notamment les riverains de zones agricoles à proximité des vergers et des vignes. Ces dispositions relayent des campagnes de mesures volontaires locales de pesticides dans l’air engagées dès 2001 par les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA).

Des résidus de pesticides dans l’alimentation et l’eau potable

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contrôle le taux de résidus de pesticides au sein des échantillons d’aliments destinés à la consommation.

En 2016, des pesticides ont ainsi été retrouvés dans plus de la moitié (56 %) des échantillons contrôlés, en majorité dans les fruits. Près de 7 % des échantillons analysés dépassent la limite maximale autorisée au moins pour un pesticide. Ce taux dépasse 10 % sur les échantillons importés. En outre, parmi les 2 661 denrées d’origine françaises examinées, 2 % contiennent des traces de pesticides interdits en France.

La présence de pesticides dans les aliments préparés est évaluée par l’ANSES. En 2016, l’étude EAT-i (infantile) a permis de détecter la présence de 469 pesticides dans 90 aliments courants et dans 219 aliments infantiles, composant un panier de 5 484 produits achetés. Des résidus de pesticides ont été détectés dans les deux tiers et leur concentration a pu être quantifiée pour 37 % des échantillons analysés. Le risque alimentaire a pu être estimé pour 281 substances. Pour la majorité d’entre elles, il a été jugé tolérable/acceptable. Toutefois, il n’a pas pu être écarté pour 3 d’entre elles (dieldrine, lindane, PTU – métabolite de propinèbe).

Résidus de pesticides dans l’alimentation en 2016
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Note : détectés : pesticides présents mais de concentration réelle inconnue ; quantifiés : pesticides présents et de concentration connue.

Source : Anses, EATi 2016

Traitement : SDES, 2019

La production d’eau destinée à la consommation humaine mobilise les cours d’eau et les eaux souterraines. Avant sa distribution auprès de la population, des traitements préalables sont mis en œuvre pour supprimer ou atténuer la teneur de l’eau en substances nocives pour la santé, notamment en pesticides.

Population desservie par une eau non conforme en pesticides en 2017
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Note : nombre d’habitants desservis par une eau présentant des dépassements récurrents aux limites de qualité vis-à-vis des pesticides sans nécessiter une restriction d’usage, c’est-à-dire avec des concentrations supérieures aux limites de qualité sur une période de plus de 30 jours cumulés sur une année sans jamais dépasser la valeur sanitaire maximale.

Source : Ministère chargé de la Santé, ARS, SISE-Eaux

Traitement : SDES, 2019

En 2017, 7 % de la population, soit 4,9 millions d’habitants, sont desservis par une eau non conforme en pesticides. Parmi eux, près de 2 200 personnes sont touchées par des restrictions d’usage en raison de la présence de pesticides à des teneurs supérieures à la valeur sanitaire maximale.

L’instauration d’une veille sanitaire pour prévenir les risques liés aux produits phytopharmaceutiques : la phytopharmacovigilance Afin de prévenir les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exposition aux produits phytopharmaceutiques, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a confié à l’Anses, avec la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la mise en place d’un dispositif de phytopharmacovigilance destiné à surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques disponibles sur le marché. Ce dispositif couvre à la fois la contamination des milieux, l’exposition et les impacts sur les organismes vivants et les écosystèmes, ainsi que les phénomènes d’apparition de résistances.|couleur=bleu>

Imprégnation de la population

La surveillance de l’exposition de la population française aux pesticides est assurée par Santé publique France via l’étude ENNS et le programme national de biosurveillance.

Dans le volet périnatal du programme national de biosurveillance, l’imprégnation des femmes enceintes par certains pesticides a été mesurée sur 1 077 participantes de la cohorte Elfe ayant accouché en 2011. Les résultats de l’étude montrent que la totalité des femmes enceintes est exposée à au moins un pesticide. Les pesticides les plus fréquemment quantifiés sont les pyréthrinoïdes (100 % des femmes), les pesticides organophosphorés (50 %), le propoxur ou son métabolite, le 2-isopropoxyphénol (2-IPP) (20 %) et les chlorophénols (10 %). À l’inverse, moins de 1 % des femmes enceintes présente un niveau quantifiable d’herbicides (atrazine et ses métabolites, le glyphosate et son métabolite l’AMPA).

Les concentrations urinaires de pesticides mesurées dans ce volet périnatal sont généralement inférieures à celles mesurées dans les études antérieures menées en France et à l’étranger auprès de femmes enceintes. Les récentes interdictions (atrazine) et les réductions d’usage de certains pesticides (pesticides organochlorés et organophosphorés) substitués par d’autres pesticides (pyréthrinoïdes notamment) expliquent en partie ces résultats. En revanche, les niveaux d’imprégnation par les pyréthrinoïdes sont plus élevés que ceux mesurés aux États-Unis. Cette sur-imprégnation avait déjà été mise en évidence en 2007, dans l’étude ENNS pour la population générale française.

L’imprégnation des femmes enceintes par les pyréthrinoïdes augmente avec les usages domestiques de pesticides au cours de la grossesse (insecticides, anti-poux et anti-puces) mais aussi avec certaines consommations alimentaires (poissons, pommes), la consommation de tabac et d’alcool, et la présence de vignes et de cultures de fruits (vergers, fruits à coques et fruits oléagineux) à proximité du lieu de résidence.

Des impacts sanitaires avérés liés aux expositions chroniques

Des liens ont été mis en évidence entre l’exposition à certains pesticides et l’apparition de cancers (lymphome non hodgkinien, myélome multiple, prostate) et de maladies neurologiques chroniques (Parkinson), en particulier pour les travailleurs directement exposés à ces substances.

Des effets sur la grossesse (malformations congénitales, morts fœtales) et le développement de l’enfant (développement psychomoteur et intellectuel, affections du système reproducteur, du métabolisme) ont également été observés lors d’expositions chez la femme enceinte.

Le CIRC a classé les pesticides arsenicaux, le lindane et le pentachlorophenol comme agents cancérogènes pour l’Homme (groupe 1). D’autres pesticides sont classés par le CIRC comme cancérogènes probables (groupe 2A : DDT, glyphosate, malathion) ou possibles (groupe 2B : 2,4-D, chlordécone, parathion, 2,4,6-trichlorophénol) pour l’Homme.

Chez les agriculteurs, la maladie de Parkinson et le lymphome non hodgkinien (cancer LNH) sont officiellement reconnus en tant que maladies professionnelles et complètent, respectivement depuis 2012 et 2015, la dizaine de tableaux de maladies provoquées par les pesticides. Depuis cette reconnaissance, une cinquantaine de cas de maladie de Parkinson liés aux pesticides est officiellement reconnue chaque année.

Évolution du nombre de cas de reconnaissance de maladies professionnelles liées aux pesticides
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Note : cumul des cas de reconnaissance année après année. Données 2018 provisoires. Salariés et non salariés agricoles.

Source : Mutualité sociale agricole (MSA)

Traitement : SDES, 2019

En 2018, l’État a confié à l’Inserm et à l’ANSES une mission visant à mener une étude scientifique sur le lien entre surexposition à la chlordécone et les pathologies constatées au sein de la profession agricole antillaise, ouvrant ainsi la voie à une éventuelle reconnaissance en maladie professionnelle des pathologies développées en Martinique et en Guadeloupe par des travailleurs en bananeraies.

Cet article est un extrait du focus Environnement et santé.

Ressources

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