Un podcast pour approfondir la question du changement climatique à travers l’exemple de l’empreinte carbone.
En 2024, la température moyenne mondiale a dépassé de 1,5 °C les niveaux préindustriels...
En France, on est déjà à + 1,9 degrés et les effets du changement climatique sont d’ores et déjà perceptibles (hausse des températures, fonte des glaciers, augmentation des phénomènes météo extrêmes, des surfaces touchées par les sécheresses, hausse du niveau des mers), avec des conséquences très concrètes sur les activités humaines.
Quelles sont les émissions de gaz à effet de serre ? Comment définir simplement l’empreinte carbone ?
Quels aspects de notre mode vie sont les plus impactants sur le climat ?
Inventaires nationaux des émissions, empreinte carbone des pays, c’est quoi la différence ? Est-ce qu’on se rapproche - ou non - des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
Toutes les réponses sont dans ce podcast de 10 minutes.
Armel Hemme (AH) : C’était il y a 10 ans déjà : la COP21 à Paris...
Comme beaucoup de citoyens j’avais été ému et soulagé, à la fin du marathon de négociations, d’entendre qu’un accord avait été trouvé (in extremis, après des prolongations) !
En décembre 2015 donc, 195 pays scellaient l’Accord de Paris, un accord international fixant une limite au réchauffement climatique mondial... Objectif : maintenir le réchauffement bien en-deçà des 2° C en 2100... Si possible, sous les 1,5° C.
Moins de 10 ans plus tard, la première barre est en train d’être franchie.
En 2024, la température moyenne mondiale a dépassé de 1,5 °C les niveaux préindustriels...
En France, on est déjà à + 1,9 degrés en moyenne sur la période 2013/2022 par rapport à la période 1900-1930.
Par ses émissions de GES, la France contribue au réchauffement climatique mondial... Mais quelle est l’empreinte carbone des Français exactement ? D’ailleurs, savez-vous ce qu’est précisément l’empreinte carbone, et comment elle est calculée ? C’est ce que nous allons voir dans cet épisode...
Bonjour, je m’appelle Armel Hemme
Vous écoutez Notre environnement monte le son, le troisième épisode d’une série spéciale enregistrée à l’occasion de la sortie du rapport sur l’État de l’environnement en France.
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L’État de l’environnement en France, c’est un rapport publié tous les 4 ans, depuis 30 ans. Il est produit par le Commissariat Général au Développement Durable (le CGDD pour les intimes).
Ce rapport périodique s’adresse à tout le monde, à vous, à moi, dans un souci de partage de la connaissance, de partage de l’information environnementale, pour nous guider dans nos prises de décisions individuelles et collectives...
Il explore quatre défis environnementaux interconnectés entre eux : l’épuisement des ressources naturelles, la pollution des milieux naturels, le changement climatique, et le déclin de la biodiversité.
Manuel Baude, bonjour !
Vous travaillez au Commissariat Général du Développement Durable, qui dépend du ministère de la transition écologique... Vous êtes chargé de mission pressions sur l’air et le climat.
QUESTION A – INTRO - Introduction sur les GES
Manuel Baude, quand on évoque les causes du réchauffement climatique, on parle souvent des « gaz à effet de serre », mais aussi du « CO2 » (le dioxyde de carbone), qui est l’un des GES... Alors il y en a combien, des GES ?
Manuel Baude (MB) : Il existe plusieurs substances gazeuses qui contribuent à l’effet de serre. Il faut rappeler que l’effet de serre un est un phénomène naturel qui s’amplifie en raison de molécules gazeuses émises par les activités humaines et envoyées dans l’atmosphère. Ces gaz sont de différentes natures.
On retrouve du CO2 - le dioxyde de carbone - qui provient majoritairement de la combustion d’énergie fossile. Cela représente 76 % des émissions nationales.
On comptabilise également le méthane - le CH4 - qui provient de l’élevage, du traitement des déchets et de l’extraction de produits fossiles. Le méthane c’est 15 % des émissions nationales.
Le protoxyde d’azote que l’on appelle N2O représente 7 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Il provient des engrais.
Enfin, les gaz fluorés, comme les HFC, les PFC, le SF6 ou le NF3 sont des gaz à effet de serre issus des systèmes de climatisation ou de divers procédés industriels. Ils contribuent à hauteur de 3 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.
Le CO2 est le plus important des gaz à effet à effet de serre. Il représente trois quarts des émissions nationales. C’est pour ça qu’on parle plus souvent de CO2 que du méthane ou du protoxyde d’azote.
QUESTION B.1 – EMPREINTE - Concept
AH : J’aimerais qu’on s’arrête maintenant sur une expression qu’on entend souvent : l’empreinte carbone.
Comment définir simplement l’empreinte carbone ?
MB : L’empreinte carbone c’est une estimation des gaz à effet de serre qui sont associés à la consommation des habitants d’un pays.
Pour vous donner un exemple concret : quand un Français achète une voiture, on attribue à ce Français toutes les émissions de gaz à effet de serre qui ont été émises pour fabriquer et commercialiser cette voiture. Cette voiture contiendra par exemple des GES émis en France pour la fabrication des pneus mais aussi des GES émis en Allemagne pour la fabrication de l’acier.
Ce qu’il faut retenir c’est que l’empreinte carbone tient compte des émissions associées aux importations. Plus de la moitié des gaz à effet de serre de l’empreinte carbone de la France sont émises à l’étranger.
Selon nos dernières estimations, en 2023, l’empreinte carbone de la France représente 644 Mt équivalent CO2. Pour chaque Français, elle est en moyenne de 9,4 t CO2 éq.
AH : C’est beaucoup ?
MB : C’est beaucoup plus que la moyenne mondiale qui est de 6,6 t équivalent CO2 par personne. L’empreinte carbone moyenne d’un Français dépasse donc de 50 % la moyenne mondiale.
Il faut toutefois noter que l’empreinte carbone moyenne d’un Français est légèrement inférieure à la moyenne européenne qui est elle-même légèrement inférieure à l’empreinte carbone moyenne d’un Chinois.
L’empreinte carbone d’un Indien est estimée à 3 t et celle d’un Américain à 21 t. Cela signifie que l’impact sur le climat du mode de vie d’un Américain est 7 fois plus important que celui d’un Indien.
AH : Et cette empreinte de 9,4 t CO2éq par habitant repose essentiellement sur 6 grands postes de consommation... Les déplacements bien sûr, qui dépendent encore largement du pétrole - quels sont les autres ?
MB : On peut effectivement décomposer l’empreinte carbone en grands postes de consommation.
Vous avez cité les déplacements des ménages.
Il faut également distinguer l’alimentation qui inclut les émissions de l’agriculture, de l’industrie agro-alimentaire, des services de restauration et du transport des denrées.
Et il faut aussi citer l’habitat qui comprend les émissions issues de la construction et du chauffage des logements
Les déplacements, l’alimentation et l’habitat représentent près des trois quarts de l’empreinte carbone de la France.
Pour le reste, il s’agit des émissions associées aux services publics, aux services marchands et à l’achat de biens d’équipements (nos appareils électroniques et ménagers, nos vêtements, nos meubles…)
QUESTION B.2 – EMPREINTE - Évolution
AH : Si on regarde sur le temps long : l’empreinte carbone de la France a-t-elle tendance à s’alléger ?
MB : Oui. Depuis 1990 l’empreinte carbone a diminué de 13 %.
Dans le détail on observe deux grandes tendances :
On observe tout d’abord une baisse de 33 % des émissions qui proviennent des ménages et des entreprises localisées en France.
Mais on constate par ailleurs une hausse des émissions importées de 13 %.
Pour être plus précis, on constate que l’empreinte carbone de la France a augmenté entre 1990 et 2008 et qu’elle diminue depuis de 2 % par an en moyenne.
QUESTION B.3 – EMPREINTE / INVENTAIRE - Objectifs
AH : En estimant l’empreinte carbone, on peut donc savoir si on se rapproche - ou non - des objectifs de réduction des GES ?
MB : Vous allez voir que ce n’est pas si simple...
Si vous parlez d’objectifs politiques climatiques, ceux-ci ne sont pas fixés sur l’empreinte carbone mais sur d’autres données : celles des inventaires nationaux de gaz à effet de serre.
AH : Les inventaires nationaux, une notion peu connue du grand public...
Pour comprendre : l’empreinte carbone de la France, c’est 644 mt CO2 éq. C’est beaucoup plus que l’inventaire national : 403 mt CO2 éq.
Deux chiffres différents pour un même pays : alors c’est quoi un inventaire national de gaz à effet de serre ?
MB : Pour comprendre ces différences de chiffres il faut bien avoir en tête que l’empreinte carbone et l’inventaire national sont deux notions bien différentes. Et elles ne portent pas sur le même périmètre.
L’empreinte carbone estime les émissions associées à la consommation alors que l’inventaire national de GES comptabilise uniquement les gaz à effet de serre émis sur le territoire français.
En tenant compte des émissions importées, l’empreinte carbone contient donc 60 % de gaz à effet de serre de plus que dans l’inventaire national. Cela signifie que la France importe plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en exporte.
On parlait d’objectifs : pour la France c’est la neutralité carbone en 2050. Pour l’atteindre, il faudra que les émissions de l’inventaire national de gaz à effet de serre diminuent de 30 % d’ici 2030.
QUESTION C.1 – INVENTAIRE – comparaison internationale
AH : La France c’est moins de 1 % des émissions mondiales de CO2 : de ce point de vue, on peut se dire que c’est beaucoup moins que la Chine, (premier émetteur mondial avec 29 % des émissions), que les États-Unis (11 %) ou que l’Inde (7 %) !
Alors, est-ce qu’on fait mieux que les autres ?
MB : C’est surtout parce qu’on est moins nombreux !
Mais si on rapporte nos émissions de gaz à effet de serre au nombre d’habitant ou au PIB, la France est en dessous de la moyenne de l’UE. Ça s’explique par la décarbonation de notre production d’électricité.
QUESTION C.2 – INVENTAIRE – structure des émissions nationales : les transports
AH : Dans notre inventaire national, il y a bien sûr le secteur des transports - on l’évoquait à l’instant... Il compte parmi les gros émetteurs de GES en France...
MB : Oui, le secteur des transports est le premier contributeur aux émissions nationales de GES. Les transports sont à l’origine d’un tiers des émissions nationales en 2023. Les voitures particulières représentent environ la moitié des émissions des transports, les poids lourds environ un quart et les véhicules utilitaires légers 15 %.
En France, les émissions des transports ont augmenté depuis 1990. Mais dans les autres secteurs, ça baisse.
QUESTION D.1. – IMPACTS
AH : En France, les effets du changement climatique sont d’ores et déjà perceptibles :
hausse des températures,
fonte des glaciers,
augmentation des phénomènes météo extrêmes, des surfaces touchées par les sécheresses annuelles en France métropolitaine
hausse du niveau des mers...
... Avec, Manuel Baude, des conséquences très concrètes sur les activités humaines...
MB : D’abord sur la santé humaine ! La mortalité liée aux canicules et aux évènements climatiques extrêmes augmente.
Ensuite sur nos logements, ils sont menacés :
par la sécheresse qui provoque le phénomène de retrait gonflement des argiles : 10 millions de maisons individuelles (soit plus de la moitié des maisons), sont exposées à ce risque de dommages sur les structures des bâtiments,
par la hausse du niveau des mers qui menace les bâtiments et les infrastructures situés le long des littoraux.
Et il y a aussi des impacts sur les activités économiques :
Pour le tourisme en hiver : certaines stations de basse et moyenne montagne sont déjà contraintes de fermer.
Pour l’agriculture et notre alimentation, qui dépendent des milieux naturels qui sont perturbés et dégradés. Car le changement climatique modifie les écosystèmes naturels et le cycle de l’eau.
AH : Alors que les scientifiques prévoient un réchauffement planétaire de + 3 °C au niveau mondial (+ 4 °C pour le territoire français) d’ici la fin du siècle avec la poursuite des politiques mondiales existantes, ces bouleversements vont encore s’amplifier.
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Tout ce que nous venons d’évoquer figure dans le rapport sur L’État de l’environnement en France... On y trouve beaucoup d’autres éléments, et notamment une enquête d’opinion sur Les Français et le climat, qui nous enseigne ceci :
Deux Français sur trois n’ont pas de doute sur le lien entre les activités humaines et le changement climatique. Autrement dit : pour une large majorité de la population, le changement climatique est une certitude scientifique ! Bonne nouvelle.
Autre bonne nouvelle, les médias font visiblement bien leur travail car 62 % des Français se sentent bien informés sur le sujet.
De même, une grande majorité de la population estime qu’il est de son devoir personnel d’essayer de lutter contre le changement climatique...
Mais ces résultats encourageants ne doivent pas masquer la persistance de signaux préoccupants dans l’opinion. Près d’une personne sur trois considère par exemple que le changement climatique reste « une hypothèse sur laquelle les scientifiques ne sont pas tous d’accord »...
Près d’un tiers des sondés se montre pessimiste et pense qu’il n’y a pas grand-chose à faire face au changement climatique et qu’il va falloir le subir.
Enfin, 28 % des Français pensent que le changement climatique n’aura pas de conséquences sur leur vie quotidienne à l’avenir.
... J’espère qu’une partie d’entre eux (au moins) écoutera notre podcast, ou lira le rapport !
Manuel Baude, chargé de mission pressions sur l’air et le climat au Commissariat Général du Développement Durable, merci d’être venu à ce micro !
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Vous écoutiez Notre environnement monte le son...
Dans le prochain épisode, nous parlerons de la biodiversité, notamment dans les Outre mers où les récifs coralliens souffrent de la hausse des températures...