Interview

Intégrer l’environnement dans la comptabilité des entreprises : 3 questions à Dorothée Browaeys (Alliance ComptaRegeneration)

Mis à jour le | Commissariat Général au Développement Durable

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La responsabilité sociétale des entreprises, et le rapportage extra-financier qui y est associé, constituent un premier pas pour mieux prendre en compte les enjeux environnementaux au sein des entreprises. Mais il serait possible d’aller plus loin en créant un bilan comptable qui comprendrait à la fois le capital financier et le capital naturel et social. Dorothée Browaeys, présidente de TEK4life qui anime l’Alliance ComptaRegeneration (ACR), dresse un état des lieux de ce que serait cette nouvelle comptabilité.

1. Pourquoi la comptabilité actuelle des entreprises doit-elle évoluer ?

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Les choses sont assez simples : nous devons nous mettre en situation de transformation radicale de notre économie puisque nous sommes dans une civilisation très dépendante de l’exploitation des ressources naturelles et de l’utilisation des énergies fossiles et que nous devons passer en moins de trente ans à une économie zéro carbone et écocompatible. Or, les logiques économiques actuelles sont encore trop aveugles aux dégâts environnementaux, que ce soit sur l’eau, les sols, l’air et le climat avec notamment les émissions de CO2… La nature n’envoie pas ses factures ! Jusqu’à présent, un bilan comptable est construit sur le maintien d’un capital financier pour s’assurer de la solvabilité de l’entreprise. Cela ne suffit plus, il doit y avoir aussi une comptabilité de la soutenabilité apte à prendre en compte le capital naturel et social. C’est le meilleur moyen pour montrer que l’entreprise est viable sur le long terme et qu’elle assume le renouvellement des capitaux naturels dont elle dépend. On a mis en place des marchés du carbone, mais on reste dans une économie de compensation qu’on peut appeler « soutenabilité faible ». Une entreprise qui cherche à tout compenser en achetant des quotas de carbone, doit aussi rendre ses activités écocompatibles : il lui faut réduire ses dégradations sur les milieux (biodiversité, artificialisation, destruction des habitats, pollutions) si nous voulons garder la Terre habitable.

2. Par où commencer pour faire évoluer cette comptabilité ?

Les démarches de comptabilité commencent toujours par de la mesure : si on veut respecter le capital naturel il faut pouvoir le cerner, c’est-à-dire disposer des données biophysiques de description de ce capital et de son évolution. Ensuite, il faut établir des indicateurs communs pour prendre en compte ce capital naturel et social. Enfin, il convient de traduire ces indicateurs dans les catégories comptables. Cet exercice n’est pas neutre, car vous pouvez compter les espèces vivantes ou bien sonder la résilience des milieux ou même évaluer un coût de maintien (par exemple, si un sol est pollué, on estime l’investissement pour le remettre en état). Cette dernière approche permet d’éviter toute marchandisation de la nature, mais aussi de poursuivre un but vital : la préservation des fonctions naturelles. Ce cap peut permettre de faire de la comptabilité extra-financière une comptabilité de soutenabilité, voire une comptabilité intégrée. Un des plus gros obstacles est que le capital naturel est difficile à appréhender. Pour l’instant, il y a de nombreuses initiatives pour trouver ces nouveaux indicateurs comme le Global Biodiversity Score ou le SBTN (Science-based targets for nature). Citons aussi la Net Environnemental Contribution Initiative qui permet aux investisseurs de jauger les empreintes des entreprises.

3. Mais comment inciter les entreprises à faire évoluer leur comptabilité ?

Trois textes réglementaires devraient faire évoluer les choses. La directive européenne sur le rapportage soutenable (CSRD) a vocation à rapprocher l’information financière et extra-financière. La deuxième évolution réglementaire, c’est la Sustainable finance disclosure régulation (SFDR) qui demande aux acteurs financiers de communiquer des indicateurs normés pour rendre compte de l’impact environnemental de leurs portefeuilles. La troisième évolution concerne le règlement taxonomie qui vise à définir les critères de la performance durable. En pratique, le service en charge de la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) et le service financier d’une entreprise partageraient un langage commun. À terme, il s’agira de produire un chiffre qui indique la part du chiffre d’affaires durable dans les actifs investis. TEK4life soutient l’acculturation des acteurs concernés, les entreprises comme les grands cabinets mais aussi les financiers dont les choix forgent la transition. Un parcours de formation aux comptabilités écologiques (en 3 volets) démarre le 25 mars à Ground Control Paris.

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