Perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore
Mis à jour le | Commissariat général au développement durable
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Dans le cadre des travaux sur les neuf limites planétaires (Rockström et al., 2009), l’azote et le phosphore, éléments essentiels à la vie, ont été considérés par les scientifiques comme des enjeux prioritaires. Sous l’effet des activités humaines, leur cycle biogéochimique est perturbé, ce qui peut provoquer, dans les cas les plus graves, de lourds dommages à l’environnement (anoxie des océans, eutrophisation des eaux douces continentales, prolifération d’algues vertes, etc.). Ce ne sont pas les seules substances identifiées dans le modèle des limites planétaires qui ont un rôle important dans le fonctionnement du système terrestre ; certaines sont traitées dans le cadre d’autres limites (comme le carbone, dans la limite « changement climatique ») ; d’autres devront être prises en compte (comme le silicium) dans le cadre de nouvelles limites planétaires (Steffen et al., 2015).
Enjeux globaux
L’azote est un nutriment indispensable à la croissance des végétaux. L’azote réactif, émis en abondance dans l’environnement, peut cependant constituer un surplus par rapport aux besoins des plantes, des arbres, des algues, etc. Il contribue alors à la pollution de l’eau par les nitrates. Associé à d’autres nutriments comme le phosphate, et en fonction de conditions physico-chimiques particulières, il est également responsable du phénomène d’eutrophisation. Les principales sources d’émission d’azote dans l’environnement sont les engrais azotés et la combustion des ressources fossiles et de procédés industriels. L’azote des émissions polluantes d’oxyde d’azote (NOx) dans l’atmosphère provenant du transport et de l’industrie n’est pas pris en compte dans la limite planétaire précisée ci-dessous (Steffen et al., 2015b).
À l’instar de l’azote, le phosphore est également un nutriment indispensable à la croissance des plantes. La modification de son cycle biogéochimique, causée par l’agriculture (fertilisants, effluents d’élevage) et par les eaux usées urbaines (excréments et détergents), affecte la capacité de la biosphère à le séquestrer et entraîne l’eutrophisation des eaux douces.
Les dommages causés par l’azote et le phosphore sont généralement considérés comme des problèmes régionaux plutôt que mondiaux. Toutefois, dans le cadre des travaux sur les neuf limites planétaires, un seuil global a été défini pour chacun des deux cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore.
Concernant l’azote, l’enjeu est d’empêcher un rejet excessif d’azote réactif dans l’eau et les milieux naturels aquatiques afin d’éviter leur eutrophisation. Lors de la révision du modèle conceptuel (Steffen et al., 2015b), le seuil à ne pas dépasser a été fixé entre 62 et 82 millions de tonnes (Mt) par an, soit 41 à 55 kg d’azote excédentaire (surplus) par hectare par an (kg/ha/an) en moyenne à l’échelle mondiale. En 2015, les pertes d’azote dans l’environnement sont estimées à 150 Mt.
Concernant le phosphore, l’enjeu initialement envisagé était d’éviter que ne se produise un événement anoxique océanique majeur (épisode de forte réduction d’oxygène dans les océans) ayant des impacts sur les écosystèmes marins. Lors de la révision du modèle conceptuel en 2015, une approche à deux niveaux géographiques est proposée.
Au niveau mondial (asphyxie des océans), le seuil est estimé à 11 Mt par an de phosphore rejetées dans l’eau (excédent agricole et eaux usées insuffisamment épurées). En 2015, il est dépassé avec 22 Mt de phosphore effectivement rejetées dans les eaux.
À un échelon plus localisé, un seuil supplémentaire est défini pour traiter de l’eutrophisation des eaux douces continentales. Ce seuil porte sur les surplus de phosphore résultant d’apports excessifs lors de la fertilisation des sols agricoles. Ces surplus de phosphore ne doivent pas être supérieurs, chaque année, à une fourchette comprise entre 6,2 et 11,2 Mt (soit 4,1 à 7,5 kg/ha/an) pour éviter l’Eutrophisation des systèmes d’eau douce. En 2015, la limite est franchie avec environ 14 Mt.
Situation de la France
En France, l’apport excessif en azote et en phosphore, provenant principalement de l’activité agricole pour le premier, et des eaux résiduaires urbaines pour le second, correspond au surplus dans l’environnement, aux rejets en mer et en eaux douces, pouvant conduire localement à des phénomènes d’eutrophisation et à la prolifération d’algues vertes. Les surplus sont calculés à une échelle régionale sans tenir compte des traitements et des exportations vers d’autres régions éventuelles réalisées notamment dans les régions à élevage.
Le surplus d’azote a tendance à diminuer en France métropolitaine entre 1990 et 2015
L’azote apporté par l’activité agricole l’est sous forme organique ou sous forme minérale. En 2015, les apports organiques s’élèvent en moyenne à 62 kg par hectare (ha) de surface agricole utilisée (SAU) et les apports minéraux à 77 kg/ha. Les deux types d’apports ont diminué depuis 1990. Cette diminution s’explique notamment par la réduction des effectifs du cheptel français et par la meilleure gestion de l’azote dans les exploitations agricoles. Cette dernière découle en particulier de la mise en œuvre des programmes d’actions « nitrates » dans les zones vulnérables, progressivement étendues, en application de la directive « nitrates », ainsi que l’évolution des moyens technologiques.
Sur la période 2006-2015, la moyenne de surplus d’azote s’élève à 45 kg/ha de SAU, contre 55 kg/ha pour la période 1996-2005. En 2015, les régions présentant les excédents d’azote les plus élevés sont la Bretagne et les Pays de la Loire avec plus de 70 kg/ha. Cependant, ces chiffres ne tiennent pas compte des exportations vers les régions voisines demandeuses d’azote organique et des traitements des effluents d’élevage. Ces mesures sont obligatoires au-delà d’une quantité annuelle pour une partie des exploitants bretons. Les régions les plus proches de l’équilibre sont la Corse, la Bourgogne et la région Provence Alpes Côte-d’Azur, tandis que l’Île-de-France affiche un bilan négatif.