Biodiversité

Les grands prédateurs

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Le loup (Canis lupus), le lynx (Lynx lynx) et l’ours brun (Ursus arctos) sont trois espèces protégées inscrites sur la liste rouge nationale des espèces menacées (respectivement vulnérable, en danger et en danger critique). Ces espèces, autrefois largement présentes en Europe, ont vu reculer leur aire de distribution occidentale du fait de la chasse, de la destruction de leurs habitats et la raréfaction de leur ressource alimentaire. En France, le réseau Loup-Lynx et le réseau Ours brun permettent de suivre la dynamique actuelle des populations de grands prédateurs. Après avoir complètement disparu du territoire métropolitain, le loup et le lynx ont recolonisé certains massifs montagneux de l’est et du sud. L’ours brun demeure l’espèce la plus vulnérable avec une quarantaine d’individus dans le massif pyrénéen. Devant cette évolution globale et les menaces induites, l’État doit relever le défi de concilier à la fois la préservation de ces grands prédateurs avec les intérêts des populations et notamment de la profession agropastorale.

Avec une progression de 3.7 points entre 2003 et 2017 sur les territoires dont l’espèce est présente, le loup connait une avancée significative en France. Cette même dynamique est rencontrée chez le lynx entre 1988 et 2017, qui augmente son emprise sur les territoires qu’il affectionne de 1.5 points contrairement à l’ours dont sa proportion sur le territoire reste stable entre 2001 et 2017.

Proportion (en %) du territoire métropolitain sur lequel chaque espèce de grands prédateurs est régulièrement présente

Le loup : une forte expansion démographique et spatiale

Le loup gris est la plus répandue des espèces de Canidés. Son aire de distribution couvre une partie importante de l’Eurasie et de l’Amérique du nord. Des études génétiques récentes suggèrent que les premières domestications, qui ont abouti au chien domestique (Canis familiaris), remonteraient à environ 30 000 ans.

Présent sur 90 % du territoire il y a deux siècles, le loup a disparu de France à la fin des années 1930. Il a recolonisé naturellement le Parc national du Mercantour en 1992 depuis la chaîne des Apennins en Italie, puis s’est étendu dans les Alpes. La colonisation s’est poursuivie dans le Massif central, la partie orientale des Pyrénées et les Vosges. Depuis 2011, sa présence est signalée en périphérie est du Bassin parisien.

Répartition du Loup en France métropolitaine entre 2003 et 2017
Répartition du Loup en France métropolitaine entre 2003 et 2017
Répartition du Loup en France métropolitaine entre 2003 et 2017

Chaque année, le réseau Loup-Lynx relève sur le terrain des indices qui permettent d’identifier des zones de présence permanente (ZPP). Le nombre de loups présents en France durant l’hiver 2018-2019 est estimé entre 477 et 576 individus. C’est une nette progression par rapport à l’hiver précédent (entre 387 et 477 individus) soit une augmentation de plus de 23%. Cette dynamique qui traduit l’expansion rapide de l’espèce, s’inscrit dans la tendance globale observée depuis 1993. Sur l’ensemble de la période, les effectifs progressent en moyenne de près de 20 % par an. Si la tendance actuelle se confirme, le seuil de viabilité fixé à 500 individus par le plan national d’action Loup est donc atteint.

Évolution du nombre de groupes de Loups en France métropolitaine

Le nombre de groupes de loups sédentarisés poursuivi sa tendance à la hausse. Aujourd’hui, pas moins de 57 meutes ont été identifiées alors qu’elles n’étaient que de 18 il y a 10 ans. Il y aurait donc un tassement du nombre d’individus par groupe. L’abondance de proies, avec l’accroissement des populations de Cervidés et d’Ongulés de montagne, favorise l’implantation permanente du loup en France.

Le lynx et l’ours : une vulnérabilité des populations

Le Lynx

Estimé à 400 individus en Europe de l’Ouest, le Lynx a une aire de présence régulière qui s’est étendue entre 1988 et 2001. Elle a continué de croître jusque dans les années 2012-2013, grâce à la consolidation du noyau jurassien, pour se stabiliser depuis autour de 8 600 km². Entre 2001 et 2015, l’aire de présence régulière a diminué de 71% dans le massif vosgien, augmenté de 20% dans les Alpes et progressé de 39% dans le massif jurassien. Le noyau alpin est dispersé sur la partie nord du massif et en connexion démographique avec le noyau jurassien dont il est issu. L’espèce est désormais présente sur une grande partie de la façade est de la France mais tient en partie par les populations jurassiennes.

Aire de présence régulière du Lynx en France métropolitaine entre 1988 et 2017 Évolution de la répartition du Lynx boréal
Évolution de la répartition du Lynx boréal
Évolution de la répartition du Lynx boréal

L’ours brun

En 2018, et avec l’ajout de 3 ours non repérés en 2017, l’effectif minimal retenu était de 46 individus : 2 dans les Pyrénées occidentales et 44 dans les Pyrénées centrales. En excluant les oursons de sexe indéterminé, le sex-ratio est de 20 femelles pour 19 mâles. Les analyses génétiques indiquent que certains ours passent régulièrement la frontière. En dix ans, la population des Pyrénées centrales a été multipliée par presque 4 alors qu’à l’inverse celle des Pyrénées occidentales a été divisée de moitié. Sur la base de l’évolution de l’effectif minimal retenu déterminé chaque année, un taux moyen annuel de la population pyrénéenne peut être estimé à 10,72%.

Effectif minimal retenu (EMR) d’Ours bruns dans les Pyrénées françaises de 1993 à 2018

Les autorités administratives considèrent dorénavant qu’il n’existe plus qu’un seul noyau contre deux auparavant.

Évolution de la répartition de l’Ours brun
Évolution de la répartition de l’Ours brun
Évolution de la répartition de l’Ours brun

En 2018, l’aire totale de présence de l’ours dans les Pyrénées est de l’ordre de 7 400 km² soit une augmentation de 2 400 km² par rapport à 2017. Cette progression s’explique par les grands déplacements exploratoires effectués par les deux ourses relâchées en Béarn en octobre 2018 ainsi qu’à la dispersion d’au moins un individu à la limite des départements des Pyrénées-Orientales, de l’Aude et de l’Ariège.

Aire de répartition (en km²) de l’Ours brun entre 2009 et 2018 (partie française et espagnole)

Des mesures nécessaires pour sauvegarder les grands prédateurs et les activités agropastorales

La sauvegarde des grands prédateurs

Inscrits sur la liste rouge, les grands prédateurs sont aujourd’hui menacés. Les pouvoirs publics considèrent cet enjeu de premier ordre.

Ces dernières années, des plans nationaux d’action (PNA) ont vu le jour pour l’ours (PNA 2018-2028 de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées françaises) et le loup (PNA 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage). Le PNA Ours vise le maintien de la population d’ours en reconnectant les deux noyaux et fixe un objectif à atteindre de 50 individus d’ici la fin du plan. Son objectif est, tout en favorisant la diversité génétique sur l’ensemble du massif, de disposer de mesures de soutien aux éleveurs face aux prédations. Le PNA Loup a été élaboré quant à lui dans le but de développer une nouvelle méthode de gestion de l’espèce, fondée sur une meilleure connaissance du loup et de ses modes de vies, pour mieux le protéger et permettre aussi la protection des troupeaux et des éleveurs. Un projet de PNA Lynx associatif est en cours. Son objectif est d’établir le bilan des connaissances et de proposer des actions permettant l’existence et la cohabitation durable de ce félin sur le territoire.

En parallèle, le lynx et l’ours font l’objet de programme de réintroduction. Dans le cadre du Life Lynx, la forêt allemande du Palatinat, contigüe aux Vosges, a reçu le soutien financier de la Commission européenne pour la réintroduction de vingt lynx sur la période 2016 à 2020. Les trois premiers animaux, originaires de Slovaquie et de Suisse, ont été réintroduits en juillet 2016. Une campagne de sensibilisation et de concertation est menée avec l’ensemble des parties prenantes (fédération des chasseurs, fédération d’éleveurs, syndicat du PNR des Vosges du Nord), afin d’améliorer l’acceptation du félin sur le territoire. Les 4 et 5 octobre 2018, 2 femelles ours ont été réintroduites dans le Béarn pour venir compléter le faible effectif actuel (2 mâles), ce qui constituera une première depuis 12 ans.

D’autres mesures permettent de sauvegarder ces espèces par exemple en créant des espaces protégés (réserves biologiques et naturelles, zone Natura 2000), en limitant la fragmentation du territoire (mise en place d’écoponts traversant les axes routiers) ou encore en favorisant la connectivité entre les massifs forestiers.

La préservation des activités agropastorales

Une relative prédation sur le cheptel

Devant l’augmentation de la population nationale de Loup, une prédation plus forte est exercée sur le cheptel en zone agropastorale. En 2018, 12 515 victimes ont été indemnisées contre 6 209 en 2013.

Nombre de victimes du Loup indemnisées et en cours d’instruction entre 2013 et 2018 en France métropolitaine

Au 31 décembre 2018, 726 bêtes (hors ovins) ont été tuées par le loup (contre 624 au cours de la précédente période, soit une hausse de 16%). Les régions PACA et Auvergne-Rhône-Alpes sont les régions qui concentrent la majeure partie des dommages (respectivement 66% et 31%).

Par dérogation aux textes de protection de l’espèce, afin de protéger les troupeaux ayant subi des attaques, des tirs de prélèvement sont autorisés selon une procédure encadrée. Chaque année, par le biais d’un arrêté, le préfet coordonnateur pour le loup et les activités d’élevage (préfet d’Auvergne-Rhône Alpes) fixe le nombre maximum de spécimens de loup dont la destruction est autorisée au niveau national.

En 2019, l’arrêté fixe à 100 le nombre de loups pouvant être abattus (arrêté dérogatoire du 12 septembre 2019). Le nombre de loups abattus légalement a connu une relative stabilité jusqu’en 2012 puis a progressé en moyenne de 64% entre 2012 et 2017 devant le nombre croissant de victimes attribuées par l’espèce.

Évolution du protocole d’intervention sur la population de Loup entre 2005 et 2019, en France métropolitaine

L’Ours et le Lynx peuvent aussi exercer une pression sur le cheptel. En 2017, sur le versant français des Pyrénéens, 453 bêtes attribuées à l’attaque de l’ours ont été tuées ou blessées (et 34 ruches détruites). En 2017, le nombre d’attaques à fortement progressé (+ 46%) par rapport à 2016. Cette progression s’explique par une augmentation du nombre d’attaques et par 3 dérochements impliquant 260 brebis. En 2015, 98 attaques de Lynx sur des troupeaux ont été recensées, essentiellement dans le massif jurassien (-12.5% par rapport à 2014). La mortalité associée varie d’année en année, mais sans qu’aucune tendance de long terme se dégage.

Des mesures d’accompagnement et d’indemnisation proposées

Un système d’indemnisation a été instauré pour compenser les pertes infligées aux éleveurs par la prédation, accompagné d’aides pour le financement des mesures de protection. En 2017, pour le Loup, le montant de l’indemnisation s’élevait à près de 4 millions d’euros contre un peu plus d’un million en 2010. Le nombre de dossiers d’indemnisation progressant de 38% entre 2014 et 2017. En 2016, le montant de l’indemnisation des dégâts pour l’Ours s’élevait à 1,7 millions d’euros (hausse de 40% du nombre de dossiers entre 2010 et 2016) alors qu’il était de 46 000€ pour le Lynx en 2017 (hausse de 37% du nombre de dossiers entre 2016 et 2017).
Le gardiennage adapté des troupeaux ne s’est pas généralisé, même si le déploiement de chiens de protection et les mesures associées (filets électrifiés, gardiennage renforcé, regroupement nocturne) ne peuvent conduire à un risque nul de prédation.

Des réseaux de correspondants pour suivre et étudier les populations

Réseau Loup - Lynx

Créé en 1988 et confié à l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), le réseau Lynx fusionne en 2001 avec le réseau Loup pour devenir le Réseau Loup-Lynx. Ce réseau de 2 000 correspondants professionnels (80%) et bénévoles (20%) réparti sur une moitié Est de la France (Vosges, Jura, Alpes, Massif Central et Pyrénées orientales) assure le suivi de la démographie et l’évolution des aires de répartition des deux espèces sur le territoire.

Les zones de présence permanentes (ZPP) du loup correspondent à des espaces fréquentés au moins pendant deux hivers consécutifs par un ou plusieurs individus, ou meutes, sédentarisés. Elles sont déterminées en recoupant des indices (ex. : présence de fèces ou de cadavres de proies, prise au piège photographique, écoute des hurlements). L’effectif minimal retenu (EMR) dans chaque ZPP est évalué. L’EMR est un indicateur de la tendance mais ne doit pas être confondu avec l’effectif total de la population. Ce dernier est estimé, avec une fourchette d’incertitude, par modélisation de la relation entre l’EMR et une mesure de référence de l’effectif de la population (estimation faite par une analyse de type capture-marquage-recapture des signatures génétiques détectées sur toute l’aire de présence). Le réseau identifie aussi les zones de présence régulière et occasionnelle du lynx, avec les mêmes méthodes que pour le loup. Un dispositif de suivi intensif a été déployé dans le Jura suisse.

Réseau Ours Brun

Créé en 1983 et coordonné par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), le Réseau Ours composé d’un réseau de correspondants multipartenaires de plus de 400 membres professionnels et bénévoles assure le suivi et étudie la population française d’ours bruns des Pyrénées. Ce réseau recueille les indices de présence sur l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce soit plusieurs milliers de kilomètres carrés. Les analyses démographiques et spatiales reposent sur la combinaison de données opportunistes et d’un suivi systématique. L’identification des individus fait appel aux techniques génétiques et à l’analyse d’images prises par des pièges photographiques. Le suivi transfrontalier est coordonné dans le cadre du Groupe de suivi transfrontalier de l’ours dans les Pyrénées (GSTOP).

Ressources

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