Interview

Événements climatiques extrêmes : 4 questions à Aurélien Ribes (Météo-France-CNRS)

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Inondations en Belgique et en Allemagne, vague de chaleur au Canada et en Méditerranée, cyclone aux Antilles et tempête dans les Alpes-Maritimes… les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents. À l’occasion de la COP 26 qui a lieu à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre 2021, Aurélien Ribes, chercheur au CNRM (Centre national de recherches météorologiques, Météo-France et CNRS), spécialiste de l’attribution de ces phénomènes au changement climatique, répond à nos questions.

1. Quel est l’objet de vos recherches ?

Aurélien Ribes
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Figure 3047

Depuis 20 à 30 ans, les sciences du climat étudient la part d’influence humaine dans le changement climatique et cherchent à la quantifier. Le dernier rapport du GIEC confirme clairement que la quasi-totalité du réchauffement observé, actuellement de + 1,1 °C, est attribuable aux activités humaines. Depuis 10 ans, nous étudions des événements extrêmes particuliers comme des vagues de chaleur et nous recherchons leur lien éventuel avec l’influence humaine sur le climat. Pour cela, nous nous intéressons à plusieurs critères tels que la fréquence des événements et leur intensité.

2. Les événements extrêmes (sécheresse, inondations…) qui ont eu lieu ces dernières années sont-ils tous à attribuer au changement climatique ?

Pour répondre à cette question, nous utilisons deux sources d’information. Tout d’abord, les observations historiques, qui sont nombreuses, notamment en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, nous voyons que les canicules apparaissent plus fréquentes et plus chaudes au cours des dernières décennies. Ensuite, nous utilisons des modèles de climat numériques qui permettent de reproduire et de simuler le système climatique global. On peut ainsi simuler l’ensemble des perturbations naturelles et anthropiques dans le monde, depuis le XIXᵉ siècle. Nous utilisons ces données pour étudier un évènement particulier, par exemple la canicule de juillet 2019 où il a fait 43 °C, en Île-de-France le 25 juillet, et qui détient également le record de la journée la plus chaude enregistrée en France métropolitaine. Sans intervention humaine, il y avait environ une chance sur 20 000 qu’elle ait lieu. Avec les perturbations anthropiques, nous sommes passés à une chance sur 40 en 2019. Au niveau de l’intensité, elle fut aussi 2 °C plus chaude que ce qu’elle aurait été sans influence humaine.

3. Est-il possible de connaître avec autant de précision tous les événements extrêmes : précipitations, sécheresses, cyclones… ?

L’influence humaine est plus ou moins forte et dépend beaucoup du type d’événement. Dans le cas des vagues de chaleur, l’intensification est une conséquence directe de l’augmentation de l’effet de serre. Les mécanismes, eux, ne changent pas : des vagues de chaleur pouvaient déjà se produire par le passé, mais lorsque les conditions sont réunies, une vague de chaleur telle que celle observée au Canada au cours de l’été 2021 se trouve renforcée, car les gaz à effet de serre émis augmentent la température. Pour les précipitations, une atmosphère plus chaude contient plus de vapeur d’eau et, si les conditions sont réunies pour qu’elle se condense, il y a plus de pluie qu’auparavant. Mais pour qu’il y ait inondation, d’autres paramètres interviennent qui ne dépendent pas que du climat : l’imperméabilisation des sols, leur nature… Le résumé aux décideurs du groupe de travail no 1 du GIEC, publié en août 2021, précise qu’un évènement de fortes précipitations aura en moyenne 2,7 fois plus de chance de se produire si le climat se réchauffe de + 4 °C, alors qu’une vague de chaleur est un risque 9,4 fois plus élevé dans les mêmes conditions.
Les cyclones sont, pour ce qui concerne les vents extrêmes, plus difficiles à étudier que l’eau et la température. Divers résultats suggèrent que les cyclones de forte intensité seront de plus en plus intenses, mais l’évolution du nombre de cyclones est moins claire. L’évolution des tempêtes susceptibles d’affecter l’Europe est également incertaine.

4. Quelles évolutions futures sont à prévoir ?

De nombreux événements extrêmes seront plus intenses et plus fréquents à l’avenir. Nos recherches consistent à mieux quantifier les choses selon les types d’événements et les zones du globe. Nous regardons également si les changements observés sont bien conformes à ceux simulés par les modèles de climat. Météo-France s’équipe de nouveaux calculateurs, car ces modèles de climat, très proches de ceux utilisés pour les prévisions météo à court terme, demandent de grosses capacités de calcul. Nos travaux de recherche contribuent également à prévenir les pouvoirs publics des risques naturels du futur qui ne ressembleront pas à ceux du passé. Il existe de très forts enjeux autour de l’adaptation au changement climatique de ce point de vue.

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