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L’antibiorésistance, c’est aussi une affaire d’environnement !

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Près de 1,3 million de décès dans le monde, en 2019, sont attribuables à la résistance des bactéries aux antibiotiques. Connaît-on le rôle de l’environnement dans la propagation de ce phénomène ? Pour répondre à cette question, Céline Jamet et Laura Barbier, du Commissariat général au développement durable (CGDD), font le point dans ce podcast de sept minutes sur l’état des connaissances sur ce sujet majeur de santé publique, à l’occasion de la semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antibiotiques (18-24 novembre 2023).

L’antibiorésistance est la capacité d’une bactérie à résister à l’action d’un antibiotique. Ce phénomène naturel s’est accentué du fait d’un usage abusif ou inapproprié des antibiotiques. Certaines bactéries sont devenues si résistantes que plus aucun antibiotique ne peut les combattre. C’est désormais un enjeu de santé publique de niveau mondial.

Au-delà de l’utilisation excessive de certains médicaments, on sait aujourd’hui que la pollution de l’environnement peut aussi contribuer au phénomène, sans en mesurer pleinement l’ampleur. La diffusion des résidus d’antibiotiques et de bactéries résistantes dans les milieux naturels (eaux et sols) favoriserait l’antibiorésistance : rejets d’eaux usées traitées, épandage de boues de stations d’épuration et des effluents d’élevage... La contamination de l’environnement par certaines substances telles que les produits biocides favoriserait également les résistances aux antibiotiques. Mais les mécanismes en jeu et les connaissances sur la contamination de l’environnement restent à approfondir.

Pour combattre cette antibiorésistance, une approche globale, dite « Une seule santé », intégrant à la fois la santé des humains, des animaux et de l’environnement, s’impose. C’est ce que nous expliquent dans ce podcast Céline Jamet et Laura Barbier.

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Bienvenue sur « Notre environnement monte le son », le podcast du site « Notre environnement », le portail de tous les citoyens qui veulent s’informer sur l’environnement et le développement durable. Aujourd’hui nos invitées sont Céline Jamet et Laura Barbier, du Commissariat général au développement durable. À l’occasion de la semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques, nos invitées vont nous parler du phénomène d’antibiorésistance, et notamment d’un aspect particulier moins connu qui est celui qui touche l’environnement.

Modérateur : Pouvez-vous vous présenter ?

Céline Jamet : Je suis Céline Jamet. Je travaille au service des données et des études statistiques et je suis en charge du thème santé environnement.

Laura Barbier : Je suis Laura Barbier. Je travaille aussi sur les sujets santé environnement mais du point de vue de la recherche dans le service Recherche et innovation.

Modérateur : Pourriez-vous expliquer simplement le phénomène d’antibiorésistance et comment il est favorisé ?

Céline Jamet : L’antibiorésistance, c’est quand une bactérie devient résistante à un antibiotique. Quand des humains ou des animaux sont touchés par des bactéries dites pathogènes, ils peuvent développer une maladie. On utilise alors des antibiotiques pour les traiter, qui sont des médicaments capables de détruire ou d’arrêter la multiplication de ces bactéries. Mais au fil du temps, les bactéries développent des mécanismes de défense pour échapper à l’action de l’antibiotique, c’est l’antibiorésistance. Les bactéries peuvent aussi être résistantes à plusieurs antibiotiques, on dit alors qu’elles sont multirésistantes.

Modérateur : Est-ce un phénomène naturel ?

Laura Barbier : Oui, la résistance aux antibiotiques est un phénomène naturel. Mais il s’est accru, du fait principalement d’une utilisation abusive ou excessive des antibiotiques en médecine humaine et animale. On ne comprend pas encore bien tous les mécanismes mis en jeu, mais l’environnement, surtout quand il est pollué, jouerait un rôle dans l’apparition et la diffusion du phénomène. Au ministère chargé de l’écologie, on s’intéresse spécifiquement au volet environnemental pour promouvoir et financer des actions de recherche en vue d’améliorer la connaissance sur le rôle de l’environnement dans l’antibiorésistance, mais aussi de produire des indicateurs de surveillance.

Modérateur : Qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur ce sujet ?

Céline Jamet : C’est une préoccupation forte aujourd’hui en santé, et au niveau mondial. Nous risquons de ne plus avoir de traitements pour lutter contre certaines maladies infectieuses comme une pneumonie ou une méningite. En Europe on évalue à plus de 33 000 par an les décès liés à des infections qu’on ne peut plus traiter, dont 5 500 en France. Chacun a déjà entendu parler de cette problématique sous l’angle de la « santé humaine » ou vétérinaire. Tout le monde se rappelle de la campagne des années 2000 « les antibiotiques, ce n’est pas automatique », pour sensibiliser au bon usage de l’antibiotique.

Laura Barbier : Mais ce que l’on sait moins, c’est que l’environnement joue un rôle dans cette problématique. En 2020, un premier état des lieux scientifique sur « antibiorésistance et environnement » a été réalisé. L’étude a pointé les principales activités humaines à l’origine du phénomène et décrit l’état de la contamination des milieux aquatiques et terrestres en France. Au ministère chargé de l’Écologie, il nous a donc semblé essentiel de mieux faire connaître ces éléments d’expertise. C’est un sujet au carrefour des santés humaine, animale et des écosystèmes, et donc un exemple parfait de l’approche « Une seule santé », aussi appelée « One Health » qui appréhende les enjeux d’une manière globale.

Modérateur : Quelles sont les sources de contamination de l’environnement par l’antibiorésistance ?

Céline Jamet : La principale contamination se fait par le biais de nos eaux usées, qui viennent de nos habitations et des hôpitaux. Quand nous prenons des antibiotiques, ils se retrouvent dans les eaux usées avec des bactéries potentiellement résistantes. Tout n’est pas traité par les stations d’épuration et une partie se retrouve dans les milieux aquatiques. Une autre contamination a lieu quand les animaux d’élevage sont traités aux antibiotiques, et que leurs déjections se retrouvent en contact avec le sol. Les antibiotiques et les bactéries résistantes peuvent alors s’infiltrer directement dans le sol. On peut retrouver aussi cette situation lorsque le fumier et le lisier sont épandus sur les terres agricoles.

Laura Barbier : Il a aussi été montré que l’antibiorésistance est favorisée, entre autres, par un usage trop massif de produits désinfectants. Face à ces produits, la bactérie développe des mécanismes de résistance. Enfin, un autre élément à relever : La contamination par les antibiotiques est certes plus forte dans les pays qui en produisent massivement et contrôlent mal les rejets, comme l’Inde ou la Chine, mais la présence de bactéries résistantes dans l’environnement en France et en Europe est bien réelle. On est donc tous concernés par la problématique d’antibiorésistance.

Modérateur : Est-ce que le changement climatique a un impact sur ce phénomène ?

Laura Barbier : En effet, les événements climatiques exceptionnels comme les sécheresses et les pluies intenses risquent d’accentuer le phénomène. Par exemple, le ruissellement de l’eau sur des sols agricoles enrichis par le lisier, peut contaminer plus rapidement les milieux aquatiques. C’est un problème qui pourrait aussi se poser en cas de réutilisation des eaux usées pour arroser les terres agricoles.

Modérateur : Comment est-ce qu’on lutte aujourd’hui contre la résistance aux antibiotiques en ce qui concerne la dimension environnementale ?

Céline Jamet : Il est avant tout nécessaire de poursuivre la baisse de la consommation d’antibiotiques. L’axe prioritaire des ministères (santé, écologie, agriculture) c’est la réduction à la source : des plans nationaux en santé humaine et animale existent pour cela depuis les années 2000. Ces plans ont permis de faire baisser la consommation depuis 10 ans, autour de 20% en médecine humaine, et de moitié pour les animaux. Mais l’utilisation reste encore trop élevée, en particulier en médecine de ville. Concernant la dimension environnementale, la 1ère étape est de mieux comprendre les mécanismes qui entrent en jeu. Cela passe d’abord par une meilleure surveillance des antibios et des bactéries résistantes dans l’environnement.

Laura Barbier : Tout ceci sera davantage pris en compte dans la prochaine feuille de route pour la maîtrise de l’antibiorésistance. Elle prévoit de faire travailler plus étroitement ensemble les acteurs de la santé humaine, animale et des écosystèmes, comme le veut l’approche « une seule santé ». Concrètement, il existe déjà un réseau de professionnels des 3 santés, qui mettent leurs compétences en commun, pour mieux comprendre les liens entre l’antibiorésistance et les atteintes à l’environnement et mettre en place un système de surveillance adapté.

Modérateur : Que peut-on faire en tant que citoyen ? quel message aimeriez-vous faire passer aux auditeurs ?

Céline Jamet : Des conseils déjà rappelés par les médecins et les vétérinaires : les antibiotiques doivent être utilisés à bon escient, aussi bien pour nous, que pour nos animaux. Il est important de respecter la dose prescrite par votre médecin et la durée du traitement. Et également de ne pas consommer d’antibiotiques sans un avis médical.

Laura Barbier : Il ne faut pas non plus jeter les antibiotiques périmés ou inutilisés dans notre poubelle ou nos sanitaires, mais il faut les rapporter à la pharmacie pour éviter leur diffusion dans l’environnement. Enfin, l’utilisation trop importante de désinfectants ménagers est à éviter. Ils sont non seulement mauvais pour nos écosystèmes, mais en plus ils favorisent le phénomène d’antibiorésistance.

Modérateur : Pour résumer, les bons gestes citoyens sont : utiliser les antibiotiques à bon escient, rapporter les antibiotiques inutilisés ou périmés chez votre pharmacien et éviter l’utilisation de désinfectants ménagers. Merci Céline Jamet et Laura Barbier pour votre participation. Pour les auditeurs qui veulent aller plus loin, vous pouvez retrouver la dernière publication « Lutte contre l’antibiorésistance : cas d’école pour l’approche une seule santé » sur le site « notre environnement ».

À bientôt pour un prochain épisode.

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