Santé

Radioactivité artificielle : les installations nucléaires de base

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Les activités conduites dans les installations nucléaires de base (INB) dans le cadre du transport de substances radioactives, mais également dans les installations médicales, vétérinaires, industrielles et de recherche, mettent en jeu des sources de radioactivité artificielle et exposent la population à des rayonnements ionisants. Si l’exposition de la population due aux rejets des INB en fonctionnement normal est très faible, l’enjeu consiste à prévenir les accidents qui exposeraient la population riveraine à des doses importantes de radionucléides. En parallèle, l’exposition des personnels travaillant dans les INB fait également l’objet d’un suivi réglementaire et l’état de santé de la population résidant à proximité de 7 centrales nucléaires a été récemment étudiée.

Une exposition aux rayonnements ionisants en hausse, et pour deux tiers d’origine naturelle

L’exposition à des rayonnements ionisants est mesurée en sievert (Sv). Un Français reçoit en moyenne une dose annuelle de l’ordre de 4,5 millisieverts (mSv), avec une variation d’un facteur 1 à 15 selon le lieu d’habitation, les habitudes alimentaires (consommation régulière de poissons et fruits de mer), la fréquence des déplacements en avion ou encore les expositions médicales. L’exposition naturelle aux rayonnements ionisants représente 64 % de la dose moyenne annuelle. La dose moyenne totale a cru de 38 % entre 2005 et 2015 en raison notamment de l’augmentation des expositions médicales (+ 90 %). L’exposition due aux rejets des INB, des accidents nucléaires survenus à l’étranger et anciens essais nucléaires aériens représente 0,02 mSv par an soit 0,4 % de la dose moyenne totale.

Exposition moyenne de la population aux rayonnements ionisants
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Note : Autres : rejets des installations nucléaires de base, retombées d’anciens essais atmosphériques. Le processus d’évaluation de l’exposition par l’ingestion d’eau et d’aliments a été modifié entre 2005 et 2015. Cette évaluation se base aujourd’hui sur des données mesurées en France et non plus sur des valeurs forfaitaires issues de l’UNSCEAR, ce qui explique la différence de résultat entre 2005 et 2015.

Champ : France métropolitaine

Source : IRSN, 2017

Traitement : SDES, 2018

La place centrale du nucléaire en France

La France a fait le choix de produire son électricité principalement à partir d’installations nucléaires. Ainsi, le parc de centrales nucléaires se compose de 58 réacteurs à eau pressurisée répartis sur 19 sites de production. En plus de ces installations, la France détient des centres de recherche (réacteurs expérimentaux, accélérateurs de particules), des usines de fabrication et de retraitement du combustible nucléaire ainsi que des centres de stockage de déchets radioactifs.
Fin 2017, la France compte 127 installations nucléaires de base : 100 en fonctionnement, 3 en construction et 24 en démantèlement, hors installations relevant de la défense nationale. L’âge moyen des INB en fonctionnement est de 37 ans et de 41 ans pour celles en cours de démantèlement.

Localisation des Installations Nucléaires de Base (INB)
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Figure 751

Source : ASN, 2018

Traitement : SDES, 2018

Avec ses 58 réacteurs, la France possède 46 % des réacteurs de puissance en fonctionnement en Europe (UE-28). Elle détient par conséquent le plus important parc de centrales nucléaires en Europe. Le Royaume-Uni, second pays le plus nucléarisé de l’Union européenne, en possède quinze. Seuls trois pays construisent actuellement de nouveaux réacteurs pour la production d’électricité : la Slovaquie (deux réacteurs), la Finlande (un réacteur) et la France (un réacteur).

Au niveau mondial, la France est le 2ème pays le plus nucléarisé en termes de nombre de centrales nucléaires, derrière les États-Unis, qui totalisent 99 réacteurs en fonctionnement.

Des territoires et des populations inégalement exposés

Un accident nucléaire est un événement pouvant conduire au rejet de matières radioactives dans l’environnement, susceptibles de porter atteinte à la population. Ce risque peut provenir d’un dysfonctionnement grave sur une INB (réacteurs, stockages, usines, centres de recherche, etc.) lors de l’utilisation de matières radioactives dans le domaine industriel et médical, ou lors du transport de matières radioactives.

La moitié des INB (installations dites de catégorie C1, définie par décision de l’ASN), réparties sur 27 sites, font l’objet d’un plan particulier d’intervention (PPI) permettant de coordonner les moyens d’intervention (pompiers, police, gendarmerie, Samu, etc.). Ces plans couvrent notamment la population vivant à moins de 10 kilomètres (km) d’une centrale nucléaire. Ils sont en cours d’extension pour atteindre 20 km. En 2016, 810 000 personnes résident dans le rayon du PPI d’une INB, dont 610 000 sont à moins de 10 km d’un centre nucléaire de production électrique.

Population résidant dans les rayons PPI des installations nucléaires de base en 2016
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Note : Population sans double compte.

Source : ASN (liste des INB et des PPI), Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA (Fidéli, 2016)

Traitement : SDES, 2019

Les impacts sanitaires de l’exposition chronique des riverains

Les rayonnements provoquent des effets différents sur l’organisme, en fonction du type de rayonnement et de la dose reçue. En cas d’accident nucléaire, deux phénomènes sont à craindre : l’irradiation et la contamination. L’irradiation, mesurée en sievert (Sv), est le rayonnement qui traverse la matière. La contamination est provoquée par le rejet ou la mise en suspension de particules radioactives ; elle peut être interne (inhalation, ingestion) ou externe (sur la peau). La réglementation française fixe à 1 mSv par an la dose efficace maximale admissible résultant des activités nucléaires (hors médecine). La contamination due à un dépôt radioactif peut se mesurer en becquerel par cm² (bq/cm²).

Santé publique France a publié en 2017 une étude de l’incidence des cancers de l’adulte résidant à proximité de 7 centres nucléaires de production d’électricité (CNPE) situés dans un département couvert par un registre de cancer, seule source de données permettant actuellement d’estimer l’incidence des cancers de façon fiable et exhaustive.

Cette étude n’a mis en évidence aucune augmentation de l’incidence des cancers, entre 1995 et 2011, dans un rayon de 20 km autour des CNPE, à l’exception du cancer de la vessie, dont l’association avec la proximité d’un CNPE semble toutefois influencée par un seul site, celui de Flamanville, situé à proximité du centre de traitement des déchets de La Hague. Un déficit des leucémies lymphoïdes chroniques et des lymphomes à petits lymphocytes a même été observé, ainsi qu’un déficit de cancer de la thyroïde chez les femmes.

Cette étude est complémentaire de l’étude Geocap menée chez les enfants. Elle permet d’apporter des éléments de réponse aux interrogations des populations riveraines des installations nucléaires. Le développement d’indicateurs pour estimer l’incidence des cancers à partir du Système national des données de santé, devrait permettre d’élargir l’étude menée chez les adultes à l’ensemble des 19 CNPE répartis sur le territoire national.

En outre, en 2010, Santé publique France a mené une étude sanitaire similaire suite à la sollicitation d’élus et de riverains du centre de stockage de déchets radioactifs de faible et moyenne activité de l’Aube, situé à Soulaines. Celle-ci n’a pas mis en évidence d’excès de risque de décès ou d’hospitalisation pour l’ensemble des cancers étudiés, à l’exception du cancer du poumon, chez les hommes résidant dans un rayon de 15 km autour du centre de stockage (par rapport à ceux résidant à distance). Après avoir actualisé l’étude en 2017, Santé publique France propose de poursuivre la surveillance épidémiologique et recommande de caractériser l’exposition réelle des riverains du centre de stockage.

Surveillance de l’exposition des professionnels dans les activités de maintenance des centrales

Selon l’article R 4451-6 du Code du travail, la limite réglementaire d’exposition des travailleurs est de 20 mSv en dose efficace sur 12 mois consécutifs. Le suivi de l’exposition des travailleurs, est réalisé au moyen de dosimètres à lecture différée (dosimétrie passive) ; ce suivi est complété par le port d’un dosimètre électronique lors de toute intervention en zone dite « contrôlée » (dosimétrie opérationnelle).

En 2017, 30 323 personnes travaillant dans les activités du nucléaire, c’est-à-dire les INB, le transport de matières radioactives et le démantèlement des installations, ainsi que les activités militaires, ont été exposées aux rayonnements ionisants et ont fait l’objet d’un suivi dosimétrique.

Entre 1996 et 2006, la dose collective a fortement baissé (- 70 %), atteignant un niveau de 22 homme.Sv, alors que le nombre de travailleurs suivis n’a pas diminué. Cette forte baisse peut être reliée à la mise en place du principe « As low as reasonably achieveable » (Alara), c’est-à-dire la réduction de l’exposition au niveau le plus bas qu’il est raisonnablement possible.

Sur la période 2007 à 2014, la dose collective et le nombre de travailleurs suivis sont globalement stables. En 2015, une série de données rénovée indique un effectif globalement plus important et une augmentation de la dose collective, associée à cette évolution de l’effectif.

En 2017, cette dernière s’établit à 39 homme.Sv, soit une baisse de 20 % par rapport à 2016, liée à un moindre volume de travaux de maintenance sur le parc EDF. La dose individuelle pour le domaine nucléaire est en moyenne de 1,28 mSv par travailleur exposé. Les prestataires (sous-traitants) représentent un tiers des effectifs mais reçoivent plus de deux tiers de la dose collective en 2017.

Le suivi des doses individuelles par l’IRSN permet également de vérifier que la limite des 20 mSv sur 12 mois consécutifs (50 mSv avant 2003) n’est pas dépassée. Alors que 487 alertes de dépassement de cette limite avaient été enregistrées en 1996 (chiffre ne tenant toutefois pas compte des éventuelles confirmation/infirmation par retour du médecin du travail), plus aucun dépassement n’a été constaté entre 2014 et 2017 (chiffres consolidés à partir des conclusions d’enquête du médecin du travail). Le nombre de personnes exposées à plus de 10 mSv sur 12 mois était de 152 en 2017, contre 285 en 2015.

Nombre de travailleurs exposés et dose collective annuelle
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Lecture : en 2017, 30 323 personnes exposées, travaillant dans le nucléaire civil et militaire, ont reçu une dose collective de 39 homme.Sv.

Définition : par effectif exposé, on entend le nombre de travailleurs ayant reçu une dose supérieure au seuil d’enregistrement des dosimètres (0,100 ou 0,050 mSv suivant les laboratoires de dosimétrie). La dose collective est la somme des doses individuelles reçues par un groupe de personnes donné. À titre d’exemple, la dose collective de 10 personnes ayant reçu chacune 1 mSv est égale à 10 homme.mSv.

Note : rupture de série en 2015, due à une correction d’un biais sur le périmètre des travailleurs du nucléaire (certains travailleurs du nucléaire étaient, avant 2015, comptabilisés dans les secteurs médical et industriel). Effectif exposé non disponible avant 2004 (seul l’effectif total suivi, y compris non exposé, est disponible entre 1996 et 2003).

Source : IRSN, 2018

Traitement : SDES, 2019

Accident et exposition chronique, deux risques sanitaires préoccupants pour les Français

Interrogés par l’IRSN sur leur perception des risques liés aux centrales nucléaires, les Français se montrent majoritairement inquiets à l’égard de ces équipements de production électrique. Pour la cinquième année consécutive, la part des enquêtés jugeant élevés les risques liés aux centrales nucléaires a augmenté en 2017 et se rapproche du niveau historique observé en 2011 suite à la catastrophe de Fukushima. Par ailleurs, 59 % des Français mettent en doute l’information sur les dangers des installations nucléaires.

En 2017, près de la moitié (47 %) de la population ne pense pas que les riverains des installations nucléaires soient en aussi bonne santé qu’ailleurs. De même, près d’un Français sur deux jugent que les produits agricoles sont moins bons à proximité des installations nucléaires. Cette part a baissé de neuf points entre 2008 et 2017, mais reste toutefois à un niveau élevé. Deux idées restent quant à elles assez stables dans le temps et concernent toujours près de deux Français sur trois : d’une part, ceux-ci s’accordent à penser que les sites nucléaires peuvent contaminer les nappes phréatiques ; d’autre part, ils souscrivent à l’idée selon laquelle la radioactivité des centrales provoquera des cancers.

Niveau d’adhésion des Français à différentes propositions relatives aux installations nucléaires en 2017

Source : IRSN, Baromètre sur la perception des risques et de la sécurité par les Français

Traitement : SDES, 2019

Cet article est un extrait du focus Environnement et santé.

Ressources

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