Économie

Utilisation mondiale de l’eau

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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L’eau douce, ressource naturelle indispensable aux activités humaines, est très inégalement répartie sur la planète : le volume d’eau douce renouvelable disponible annuellement par habitant s’étend de moins de 100 m3 dans la péninsule arabique, à plus de 30 000 m3 comme en Amérique du sud ou en Europe du nord. L’eau utilisée par l’Homme est prélevée à la fois en surface (rivières, lacs, etc.) et sous terre (nappes). Une partie de l’eau contenue dans le sol est également captée par les plantes cultivées (agriculture dite pluviale). L’eau de pluie peut aussi être récoltée et stockée, comme c’est notamment le cas en agriculture avec la mise en place de retenues.

Enjeux globaux

À l’échelle mondiale, au cours du 20ème siècle, les prélèvements d’eau ont augmenté deux fois plus vite que la taille de la population. Ce fort accroissement concerne notamment l’agriculture qui prélève encore 70 % du volume total (FAO, 2016). Malgré un ralentissement depuis les années 1990, les prélèvements d’eau devraient continuer de croître de 1 % par an d’ici à 2050, entraînés notamment par l’augmentation des usages industriels et des besoins de refroidissement des centrales électriques (UN, 2015). La part de la ressource annuelle renouvelable d’eau douce prélevée par les activités humaines (hors agriculture pluviale) est passée de moins de 2 % à 10 % au cours du 20ème siècle. Elle atteindrait 12 % en 2050 si la ressource disponible ne diminuait pas (FAO, 2016 ; UN, 2015).

Compte tenu de l’inégale répartition de la population, les volumes mobilisés varient beaucoup : de quelques pourcents de la ressource disponible à plusieurs fois celle-ci dans les cas extrêmes de l’Afrique du nord et du Moyen Orient (dans ces cas, des prélèvements sont effectués dans des ressources non-renouvelables). En Europe, le taux d’exploitation de la ressource en eau douce diffère aussi fortement entre les pays nordiques et certains pays méditerranéens, ainsi qu’entre les différents bassins versants à l’intérieur même des pays de grande taille.

En outre, les activités humaines perturbent le cycle hydrologique et altèrent la ressource disponible en eau douce. Par exemple, prélever davantage d’eau que ne le permet son renouvellement naturel risque de provoquer le tarissement ou la salinisation des nappes souterraines (Dalin et al., 2017), des cours d’eau ou la disparition de lacs et de zones humides. Les activités humaines sont à l’origine d’émissions polluantes, encore plus concentrées en cas de réduction de la ressource en eau. Enfin, le changement climatique devrait entraîner une diminution des volumes d’eau douce renouvelée annuellement dans certaines régions du monde, notamment le pourtour méditerranéen, l’Afrique australe, une partie de l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale (Milly, 2005).

L’enjeu est donc de disposer de suffisamment d’eau de bonne qualité pour tous les usages, en en laissant une partie pour le bon fonctionnement des écosystèmes naturels, dont les activités humaines dépendent aussi. Des valeurs limites d’utilisation d’eau douce à ne pas dépasser ont été définies à l’échelle planétaire et à l’échelle des bassins-versants. Elles représentent la part de la ressource renouvelable en eau que les activités humaines peuvent utiliser sans compromettre durablement les écosystèmes. À l’échelle globale, cette part est estimée à 4000 km3 d’eau douce consommés par an (Rockström et al., 2009). À l’échelle locale, un seuil maximal de prélèvement est proposé en fonction du régime hydrologique saisonnier : 55 % en période de hautes eaux, 40 % en période intermédiaire, et 25 % en période de basses eaux (Steffen et al., 2015). Ces pourcentages ne font cependant pas l’objet d’un consensus scientifique.

Situation de la France

En France métropolitaine, en moyenne 17 % de l’eau qui s’écoule dans les cours d’eau en une année est prélevée pour les usages humains, soit 30 milliards de m3 prélevés (CGDD, 2017a) sur 180 milliards de m3 écoulés (CGDD, 2017b). Ce rapport varie considérablement à l’échelle des sous-bassins hydrographiques et selon la période de l’année.

Le volume annuel d’eau qui est effectivement consommé, c’est-à-dire prélevé et non restitué aux milieux aquatiques (voir encadré), est de l’ordre 5,5 milliards de m3. L’agriculture est la première activité consommatrice d’eau (environ 45 % du total), devant le refroidissement des centrales électriques (30 %), l’eau potable (20 %) et les usages industriels (5 %). Cette répartition est très variable selon les bassins : l’agriculture est prépondérante dans les bassins Adour-Garonne (78 % de la consommation d’eau) et Loire-Bretagne (55 %) ; l’eau potable l’est en Artois-Picardie (62 %) et en Seine-Normandie (56 %), et la production d’électricité domine en Rhin-Meuse (58 %) et en Rhône-Méditerranée (46 %).

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Eau consommée et disponibilité de la ressource La consommation d’eau concerne les volumes d’eau qui sont prélevés et ne sont pas directement restitués aux milieux aquatiques. Ainsi, pour les centrales électriques, la quasi-totalité de l’eau prélevée est rendue aux cours d’eau en cas de circuits de refroidissement ouverts, et un tiers du volume est évaporé pour les circuits fermés. Pour l’eau potable, la part consommée correspond aux pertes et aux fuites lors du captage et de la distribution (20 % en moyenne à l’échelle de la France métropolitaine). On considère que la totalité de l’eau prélevée pour l’irrigation est absorbée par les plantes ou évaporée, sauf pour l’irrigation gravitaire pour laquelle 80 % de l’eau prélevée retourne aux milieux aquatiques. Pour l’industrie, le taux de 7 % d’eau consommée est appliqué. On peut toutefois souligner que, majoritairement, l’eau ne retourne pas au même endroit où elle est prélevée.

L’indice d’exploitation de la ressource en eau (WEI+) est défini par l’AEE comme par la part d’eau consommée par rapport à la ressource en eau renouvelable, sur une période et une zone géographique donnée (ETC/ICM, 2016). Il varie selon l’année, la saison et le niveau de la demande en eau liée aux activités humaines. Dans les bassins versants modifiés par l’homme, la ressource en eau renouvelable est renaturalisée en ajoutant le volume d’eau consommé au volume écoulé dans les cours d’eau. Les écoulements considérés dans ce document tiennent compte des apports des retenues d’eau vers les cours d’eau. Les volumes transférés artificiellement depuis un autre sous-bassin ne sont pas identifiés.|couleur=bleu>

L’impact de l’utilisation de l’eau dépend de son abondance saisonnière. Il est plus important en période estivale (de juin à août), pendant laquelle 60 % des consommations en eau ont lieu, alors que les cours d’eau fournissent seulement 15 % des écoulements annuels (moyenne 2008-2016). Ces proportions sont très variables à l’échelle des sous-bassins hydrographiques (voir carte).

Sur la même période, les volumes prélevés en été (période de basses eaux) dépassent plus d’une année sur deux la proportion limite de 25 % du volume d’eau renouvelable disponible dans 6 des 33 sous-bassins : Moselle (proportion de 54 %) et Isère-Drôme (31 %) pour lesquels l’utilisation pour le refroidissement des centrales domine, Seine Amont (37 %) où l’eau potable et le refroidissement totalisent les trois-quarts de l’eau prélevée, Côtiers Aquitains (54 %), Mayenne-Sarthe-Loir (35 %) et Charente (28 %) où l’usage agricole est prédominant. Les volumes prélevés ne sont toutefois pas consommés en totalité. Une partie est restituée aux milieux aquatiques (voir encadré).

Les volumes effectivement consommés, bien que moins élevés, peuvent également représenter une part importante de la ressource renouvelable en été (Indice d’exploitation de la ressource en eau, voir graphique par sous-bassins). Dans trois sous-bassins, cette part dépasse au moins à trois reprises le seuil de 25 % sur la période 2008-2016. Elle dépasse même 50 % dans les sous-bassins côtiers aquitains et charentais. Dans chacun de ces trois sous-bassins, la consommation estivale d’eau représente plus de 90 % de la consommation annuelle, et plus de 95 % de cette consommation est due à l’agriculture. C’est le cas par exemple du sous bassin Charente, dans le bassin Adour-Garonne.

Illustration 1428
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Note de lecture : dans le sous bassin hydrographique Mayenne-Sarthe-Loir, en automne, hiver et printemps, l’eau consommée, tous usages confondus, représente moins de 2 % de la ressource. Alors qu’en été, cette consommation atteint en moyenne 30 % de la ressource au cours de la période 2008-2016. Note : la période estivale considérée couvre les mois de juin à août inclus. La totalité de la consommation d’eau agricole est attribuée à la période estivale. Pour les autres usages de l’eau, la consommation estivale est estimée à un quart de la consommation annuelle. Le Rhin est considéré comme une frontière et ses écoulements ne sont pas comptabilisés dans la ressource en eau renouvelable du sous bassin Rhin supérieur.
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Note : la ressource en eau laissée à la nature correspond aux écoulements dans les cours d’eau. La période estivale considérée couvre les mois de juin à août inclus. La totalité de la consommation d’eau agricole est attribuée à la période estivale. Pour les autres usages de l’eau, la consommation estivale est estimée à un quart de la consommation annuelle.

Certains territoires en France métropolitaine connaissent fréquemment des pénuries d’eau donnant lieu à des situations de crise. L’État, les Agences de l’eau et les acteurs locaux mettent en place des actions pour ajuster les prélèvements en eau à la ressource réellement disponible, en anticipant les conséquences du changement climatique. Il est en effet prévu une baisse globale des débits moyens annuels sur toute la métropole, de 10 à 40 % selon les régions, ainsi qu’une diminution des débits en période d’étiage (Chauveau et al., 2013).

Si tous les usages sont concernés par une utilisation plus économe de l’eau, c’est surtout sur la consommation agricole que l’effort doit être fourni, car elle est prépondérante en période de rareté de la ressource dans deux tiers des sous-bassins. Le deuxième plan national d’adaptation au changement climatique préconise d’ailleurs d’accroître la concertation entre acteurs pour encourager une utilisation modérée de l’eau et réaliser, si nécessaire, des retenues de stockage hivernal (ministère de la Transition écologique et solidaire, 2018).

Comment faire face au manque d’eau : l’exemple du bassin Adour-Garonne Dans le bassin Adour-Garonne, les prélèvements en eau estivaux sont supérieurs à la ressource réellement disponible (compte tenu du besoin en eau potable et pour la vie aquatique) dans 85 sous-bassins, soit plus du tiers de sa superficie, et ce déséquilibre quantitatif est important pour 45 d’entre eux (SDAGE Adour-Garonne 2016-2021). Sur ce territoire qui concentre le tiers des surfaces irriguées de métropole, essentiellement pour les besoins du maïs, les volumes prélevés pour l’agriculture sont prépondérants.

Depuis leur création en 2013, 14 Organismes Uniques de Gestion Collective (OUGC) de l’irrigation couvrant une grande partie du territoire Adour-Garonne, ont pour objectif de mettre en place une gestion collective et durable du volume prélevable alloué à la profession agricole.

Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Adour-Garonne 2016-2021 préconise simultanément de réduire les besoins en eau (utilisation rationnelle et économe de l’eau) et de développer l’offre (mobilisation des volumes d’eau stockés dans les retenues existantes, y compris les retenues hydro-électriques, création de nouvelles réserves d’eau). L’Agence de l’eau participe au financement des actions qui en découle. À partir d’un diagnostic commun, des projets de territoire sont également mis en œuvre pour promouvoir une gestion partagée et équilibrée de la ressource en eau.

Dans le sous-bassin Charente où de nombreux secteurs géographiques connaissent un déséquilibre important, deux OUGC ont été créés. Deux projets de territoire ont été validés par l’État depuis 2016, et cinq sont en phase d’élaboration ou d’émergence.|couleur=bleu>

L’empreinte eau, un marqueur simplifié de la pression exercée sur la ressource en eau Dans un contexte d’accentuation de la mondialisation, de nouveaux indicateurs portant sur les impacts environnementaux des activités économiques à l’échelle planétaire apparaissent. L’empreinte eau d’une population (par exemple, française) vise à apprécier le niveau de pression que cette dernière induit sur la ressource en eau à l’échelle mondiale par son niveau de consommation (biens et services, y compris les services publics) et d’investissement (infrastructures, logement, équipements).

Le WFN (Water Footprint Network), l’organisme non-gouvernemental à la pointe dans ce domaine, considère trois composantes de l’empreinte eau : une bleue (prélèvements pour l’eau potable, l’irrigation et les usages industriels), une verte (eau utilisée par l’agriculture pluviale, i.e. hors irrigation) et une grise (volume d’eau nécessaire pour assimiler la pollution afin d’atteindre un niveau de qualité déterminé) (Chapagain et al., 2004).

L’empreinte eau d’un pays inclut l’eau directement utilisée par les ménages (eau du robinet) et l’eau nécessaire à la production des biens et services consommés par ces mêmes ménages, qu’ils soient produits dans le pays concerné (par exemple, en France) ou à l’étranger. En revanche, l’eau utilisée pour la production de biens exportés est exclue de cette empreinte car elle relève de l’empreinte des pays destinataires.

Environ 40 % de l’empreinte eau de la France sont associés aux biens qui y sont importés (Ercin et al., 2012). Cependant, compte tenu du caractère localisé des pressions exercées sur la ressource en eau, et pour que cette information soit totalement appropriée, il convient de connaitre l’origine des biens importés : une quantité d’eau utilisée devient une pression excessive lorsque celle-ci est issue d’une région elle-même en stress hydrique.|couleur=bleu>

Cet article est un extrait du rapport de synthèse de l’édition 2019 du rapport sur l’environnement en France.

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