Habitats des fonds marins des côtes de France métropolitaine
Mis à jour le | Commissariat général au développement durable
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L’enjeu que représente la connaissance de nos fonds marins est vraiment apparu il y a seulement quelques années. Cette connaissance est devenue essentielle aujourd’hui pour le développement raisonné d’activités de plus en plus nombreuses en mer. Les politiques et les actions de gestion, aujourd’hui regroupées sous le vocable « Planification stratégique marine » doivent s’appuyer sur les informations environnementales les plus fiables si l’on veut mettre en place un développement durable. En effet le fond de la mer, autant que les eaux elles-mêmes, sont l’objet de multiples perturbations, directes par les actions de l’homme ou indirectes par le biais du changement climatique. Le besoin premier de connaissance de la distribution des habitats, aujourd’hui non satisfait, va plus loin : on a aussi besoin d’en mesurer l’état et les évolutions.
La connaissance des fonds marins des côtes et du plateau continental français est aujourd’hui essentielle pour assurer une gestion raisonnée et durable de ces espaces soumis à des pressions allant croissant.
La cartographie des habitats des fonds marins est une entreprise longue et coûteuse qui ne peut plus rester le fait d’études parcellaires et hétérogènes. Le besoin d’harmonisation se fait de plus en plus sentir, à l’heure où l’Union européenne construit une législation – dans le cas présent la Directive Habitats – imposant aux Etats membres d’identifier et de qualifier des habitats reconnus par cette directive.
Ces incitations ont poussé une communauté de scientifiques à chercher à mettre en place une cartographie géographiquement exhaustive qui, en optimisant les connaissances disponibles, soit la plus robuste possible. Ce socle cartographique présente l’avantage d’être disponible en tout point, d’être rattaché à un standard (EUNIS ou « European Nature Information System ») et de pouvoir être facilement mis à jour et amélioré au fur et à mesure des acquisitions de nouvelles données.
Bien que ne décrivant pas la biologie comme le font les études détaillées, cette cartographie globale, aujourd’hui disponible à l’échelle approximative du 1 / 300 000 sur les côtes de France métropolitaine, est utile à plus d’un titre. Elle permet d’établir pour chaque sous-zone marine des statistiques sur des habitats physiques prédominants reconnus par la Directive cadre stratégie pour le milieu marin, d’aider à l’instruction de périmètres d’aires marines protégées, de spécifier les priorités de levés futurs ou encore d’optimiser le positionnement des stations de mesure des réseaux de surveillance.
Présentation générale
L’enjeu que représente la connaissance de nos fonds marins est vraiment apparu il y a quelques années. Cette connaissance, initialement le fait d’universitaires soucieux de décrire les écosystèmes marins le plus souvent sur des sites dédiés, est devenue essentielle aujourd’hui pour le développement raisonné d’activités de plus en plus nombreuses en mer. Les politiques et les actions de gestion, aujourd’hui regroupées sous le vocable « planification stratégique marine » (en anglais Marine spatial planning) doivent s’appuyer sur les informations environnementales les plus fiables si l’on veut mettre en place un développement durable.
Le fond de la mer, autant que les eaux elles-mêmes, est l’objet de multiples perturbations, directes par les actions in situ ou indirectes par le truchement des pratiques continentales (par exemple les apports des fleuves) ou du changement climatique (par exemple la fréquence des tempêtes ou le niveau des mers). La réalisation des cartes d’habitats des fonds marins passe habituellement par des campagnes d’acquisition d’un ensemble de données biotiques (ayant trait aux organismes vivants) et abiotiques (caractéristiques de l’environnement physique) qui sont ensuite interprétées pour produire des cartes thématiques représentant des unités d’habitats sous forme de polygones, à l’image des cartes d’occupation du sol en secteur terrestre.
La typologie d’habitats EUNIS
Afin d’harmoniser la lecture de ces cartes au sein de l’Europe, d’importants efforts ont été faits depuis une dizaine d’années pour mettre en place une typologie commune à tous. L’exercice, délicat du fait de la diversité des faciès et de la complexité de la biologie qui en dépend, a abouti à la partie marine du système hiérarchique EUNIS (European Nature Information System), qui comporte environ 1 500 classes et couvre aujourd’hui l’Atlantique et la Méditerranée.
EUNIS décrit d’abord les caractéristiques physiques agissant à un niveau régional (bio-géographie, température, salinité), puis local (substrat, lumière ou énergie au fond) avant d’introduire les communautés biologiques puis les espèces au niveau le plus fin (niveau 5). A titre de comparaison, pour la partie terrestre la biogéographie est représentée par les zones climatiques.
Méthodes de levés et de collecte des données
Afin d’attribuer au mieux un code EUNIS de niveau le plus détaillé possible à un habitat du fond, il est nécessaire de disposer des données in situ qui rendent le mieux compte de la biocénose (ou communauté biologique). Celles-ci sont acquises par des techniques d’observation (plongeurs, vidéo sous-marine) ou de prélèvements (benne ou drague). Il est aussi nécessaire de disposer des données « parents » qui décrivent les étages supérieurs. En effet une communauté biologique ou une espèce peut être abritée par plusieurs types de combinaisons de paramètres abiotiques, comme c’est le cas de nombreuses communautés d’endofaune (c’est-à-dire vivant dans le sédiment). Ces données d’environnement sont obtenues pour certaines par l’observation mais aussi par la télédétection, acoustique et optique sur l’estran ou dans les petits fonds. De plus en plus, la modélisation physique, par sa capacité à créer des climatologies des forçages physiques (les courants, la houle, la lumière) nous livre une large part de cette information.
Au cours des quatre dernières décennies, de nombreuses cartes d’habitats benthiques ont été produites sur les côtes de France, allant de cartes très détaillées (ordre du 1 / 10 000) sur de petites zones jusqu’à des cartes couvrant par exemple une partie de la Manche au 1 / 500 000. L’ensemble du portefeuille Atlantique français, initialement rédigé dans des « typologies d’auteur », a été récemment traduit dans la typologie EUNIS, avec l’avantage d’en rendre l’usage plus simple et de permettre comparaisons et synthèses.
Quel besoin d’une carte « globale » d’habitats des fonds marins ?
L’idée de générer une carte à caractère simplifié est née de la nécessité de disposer de documents de planification et de gestion qui soient homogènes et comparables d’un pays à l’autre, tout en orientant les efforts futurs en matière de cartographie plus détaillée. Une représentation au niveau 3 EUNIS est rapidement apparue comme un objectif réalisable en exploitant au maximum les gisements de données existantes, moyennant un effort de compilation, de conversion et de mise en forme faisant largement appel aux outils de la géomatique. La carte globale se place donc comme intermédiaire entre les anciennes cartes régionales et les cartes locales - mais éparses - plus récentes.
Pour créer cette carte il est nécessaire de rassembler au minimum la connaissance :
1. de la bathymétrie et des formes du fond (topographie),
2. de la nature du substrat (faciès et taille des grains),
3. de la quantité de lumière disponible au fond,
4. de l’agitation au fond induite par la houle et les courants.
Une question immédiate de l’utilisateur sera : « quelle est l’échelle de la carte ? » Cette échelle - souvent aussi appelée résolution du fait du caractère souvent maillé des données - a été définie comme le 1 / 300 000, eu égard à l’échelle d’origine des couches de base. Lors de mises à jour, elle sera amenée à s’améliorer au gré de l’apparition de modèles ou de jeux de données plus détaillés.
Rappelons que la carte globale ne prétend pas se substituer aux cartes locales évoquées ci-dessus mais vient combler les vides existant entre elles. Enfin, si la carte tire son appellation de « globale » du fait que les classes de niveau 3 EUNIS sont intégratrices d’une réalité complexe, en revanche il n’y a pas de limite à la finesse spatiale de la carte, qui ne dépend que de la finesse des couches de base.
Comment réaliser cette carte ?
La carte est une transcription fidèle du système EUNIS. Il convient tout d’abord de définir les classes présentes dans un bassin marin donné. Par exemple, pour les zones du plateau continental français (Manche et Atlantique), il a été adopté 7 classes de substrat, 4 étages de profondeur et 3 classes d’énergie au niveau du fond (seulement significative sur les roches) pour se conformer à la typologie EUNIS.
La réalisation de la carte passe d’abord par la constitution des trois couches présentées dans la figure ci-après. Cette phase nécessite beaucoup d’efforts car les données sources sont éparpillées chez un grand nombre de producteurs et de nature très diverses. Le cas le plus complexe est celui de la nature des fonds, où les cartes présentent des nomenclatures de classification des fonds différentes. Ces couches sont classées en catégories EUNIS. Par exemple les « zones biologiques » sont les étages caractérisant les fonds marins, à savoir intertidal, infralittoral, circalittoral, bathyal, abyssal, définis sui-vant des critères physiques. L’infralittoral correspond à la zone bien éclairée (photique), qui s’obtient grâce à des données satellitaires d’extinction de la lumière dans la colonne d’eau. L’étagebathyal, pour sa part, commence au bord du plateau, défini par un critère de pente calculé sur la bathymétrie. Une fois les couches géo-référencées, elles sont simplement combinées par un traitement simple dans un SIG.
Résultats et discussion
La carte de l’ensemble de la France au 1 / 300 000 met bien en évidence un certain nombre de traits particuliers du plateau continental : prédominance des sédiments grossiers en Manche (de régime macrotidal), grands plateaux rocheux de l’infra et du circalittoral Atlantique soumis à des régimes hydrodynamiques variés, Grande Vasière bien visible en vert en Bretagne sud, rivages accores en Paca et Corse, plateau du golfe du Lion. Les grands fonds méditerranéens sont quasi-uniformément couverts de vase sauf parfois les cônes de déjection des canyons constitués de sédiments plus grossiers. A noter qu’en Méditerranée, il a été jugé nécessaire d’ajouter les herbiers de Posidonies issus de cartes détaillées (en bleu) car ces herbiers sont reconnus comme façonnant le fond au point de pouvoir être considérés comme un substrat à part entière.
Dans le détail...
La carte de la zone Natura 2000 du site des Roches de Penmarc’h est aussi représentée avec la symbologie du niveau 3 EUNIS, sans inclusion de données biologiques. Elle montre que le concept de carte globale s’applique dans les mêmes conditions à un site local. En effet les données utilisées ici sont : a) un modèle numérique de terrain bathymétrique de maille très fine jusqu’à 15 m de fond, plus grossière ensuite (échelle du 20 000ème), b) la nature des fonds obtenue par levés acoustiques au sonar latéral (20 000ème), c) des données de lumière et d’agitation au niveau de fond à une résolution approximative de 250 m. La combinaison finale sur une maille de 5 m entraîne bien sûr des ré-échantillonnages très grossiers des données les moins résolues de type (c), ce dont les utilisateurs de cette carte (donnée pour du 1/20 000) devront être avertis. On remarque l’immense platier rocheux, dont le caractère plus ou moins exposé en infralittoral (violet et rose foncé) permet d’inférer la présence de grandes algues. Au sud-ouest, les roches circalittorales, situées entre 60 et 100 m de profondeur, sont peu exposées à l’agitation de surface. Au centre démarre la Grande Vasière qui s’étend vers le sud-est.
Utilisation des cartes et limites
Plusieurs utilisations ont été faites de ces cartes dans un contexte européen régional, notamment dans le projet Interreg MeshAtlantic, où une carte globale de l’espace Atlantique a été produite. Dans les aires marines protégées (AMP) des quatre pays partenaires, Tempera (2013) a extrait de la cartographie des statistiques pour chaque type de zone biologique.
Pour la France, les AMP prises en compte sont les sites Natura 2000 en mer ainsi que le Parc naturel marin d’Iroise, à la pointe bretonne. L’exploitation de cette carte montre ainsi que l’infralittoral et le circalittoral côtier sont très bien représentés dans nos AMP, mais qu’en revanche les étages du circalittoral du large (s’étendant jusqu’à la rupture du plateau continental) ainsi que le bathyal (pente menant vers les grandes profondeurs) ne le sont pas suffisamment.
En matière de nature des fonds, les statistiques s’établissent à 39 % de roches et 12 % de sédiments. Les AMP françaises réalisent ainsi une bonne couverture des zones rocheuses - à la faune et flore particulièrement riches - mais englobent une trop faible proportion de fonds meubles. En effet, on considère en général qu’à moins de 20 %, la protection des milieux risque d’être insuffisante. L’agence des AMP (Odion 2013) a fait un travail du même ordre au sein du projet Interreg MAIA.
Auteur : Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer).
Ressources
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